Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome38.djvu/487

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cette Pucelle d’Orléans, je vous assure que je fais bien pénitence de ce péché de jeunesse. Je vous enverrais mon péché si j’en avais une copie. Je n’en ai aucune ; mais j’en ferai venir de Paris incessamment, et uniquement pour vous. Vous la lirez à votre loisir, avec des amis philosophes.


Dulce est decipere in loco.

(Hor., lib. IV, od. xii, v. 28.)

Je vous remercie tendrement d’avoir fait connaître à M. de Tressan la vérité. Bousquet n’est pas digne d’avoir affaire à un homme comme vous, et d’imprimer vos ouvrages. Ne pourrais-je trouver à Genève un libraire qui me convînt ? N’avez-vous pas une imprimerie à Berne ? Il faut du stoïcisme dans plus d’une occurrence ; mais je n’adopte des stoïques que les principes qui laissent l’âme sensible aux douceurs de l’amitié, et qui avouent que la douleur est un mal. Passer sa vie entre la calomnie et la colique est un peu dur ; mais l’étude et l’amitié consolent. Adieu, monsieur ; vous faites une de mes plus grandes consolations. Conservez-moi les bontés que vous m’avez acquises de M. et de Mme de Freudenreich ; vous sentez que je suis déjà bien attaché à M. de Bonstetten, par estime et par amour-propre. Mes respects, je vous en prie, à ces messieurs, à monsieur l’avoyer, à M. le colonel Jenner. Je suis à vous tendrement pour ma vie.


3031. — À M. THIERIOT.
Aux Délices, 1er octobre.

Je n’ai point répondu, mon ancien ami, aux belles exhortations que vous me faites sur cette vieille folie de trente années, que vous voulez que je rajeunisse. J’attends que je sois à l’âge auquel Fontenelle a fait des comédies[1]. Il n’est permis qu’à un jeune homme, ou à un radoteur, de s’occuper d’une Pucelle. Colonne[2] à l’âge de soixante-quinze ans, commenta l’Aloïsia ;

  1. Fontenelle, né en 1657, avait, dés 1680, donné sa tragédie d’Aspar (non imprimée) ; mais en 1751, à quatre-vingt-quatorze ans, il avait publié plusieurs comédies jusqu’alors inédites.
  2. François-Marie Pompée Colonne, mort à Paris en 1726, âgé de quatre-vingt-deux ou quatre-vingt-huit ans, peut avoir été connu de Voltaire. On sait que les amants de la fille de Cujas disaient qu’ils commentaient les œuvres de ce grand jurisconsulte. C’est probablement dans le même sens que Voltaire emploie ici cette expression. On ne connaît de Colonne aucun commentaire écrit sur l’Aloïsia de N. Chorier, ouvrage obscène écrit en latin, dont la traduction française est intitulée l’Académie des Dames. (B.)