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judicieuse, et je suis fort sensible à la confiance que vous me témoignez[1]. J’ai d’ailleurs un intérêt véritable à voir tous ces petits nuages dissipés. Je me regarde comme votre ami après votre pèlerinage. Je suis l’ami des personnes dont vous me parlez[2], et vous êtes tous dignes de vous aimer les uns les autres. Jai eu dans ma vie quelques petites querelles littéraires, et j’ai toujours vu qu’elles m’avaient fait du mal. Quand il n’y aurait que la perte du temps, c’est beaucoup. On dit que vous employez votre loisir à faire des ouvrages qui me donnent une grande espérance et beaucoup d’impatience. Je parle souvent de vous avec M. Vernes. Pardonnez une si courte lettre à un malade.


3226. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU[3].
Au Délices. 27 août.

Vraiment, monseigneur, je suis un plaisant homme pour venir faire ma cour à mon héros. Je suis dans mon lit, n’en pouvant plus, et j’ai une nièce qui se meurt : ce n’est pas votre protégée Denis, c’est sa sœur. Conservez votre santé : un général d’armée en a grand besoin, et probablement vous ne vous en tiendrez pas à la prise de Mahon. Vous donnez à M. le duc de Fronsac une éducation singulière ; je crois que peu de personnes de son espèce auront vu au même âge d’aussi grandes choses que lui. Je crois que ma chère Marie-Thérèse a bien envie de prendre ce temps-là pour reprendre, si elle peut, la Silésie. Nous attendons toujours des nouvelles consolantes de quelque petit commencement d’hostilités : le feu peut se mettre tout d’un coup aux quatre coins de l’Europe ; quel plaisir pour vous autres héros !

Je meurs de douleur de ne pas venir vous contempler tout rayonnant de gloire. Je me dépique en vous fourrant dans une grande diable d’Histoire générale que j’ai commencée par Charlemagne, et que je finis par vous. J’ai pris l’expédition de Mahon pour ma dernière époque. Cela me soulage dans mon état de malingre. Je fais mille vœux pour vous. Jouissez longtemps et gaiement de toute votre gloire, et conservez vos anciennes bontés pour votre ancien adorateur.

  1. Palissot parlait, dans sa lettre, de tracasseries que lui avait fait susciter sa comédie du Cercle, ou les Originaux, et les attribuait au comte de Tressan.
  2. Le comte de Tressan, le duc de Villars, Vernes.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.