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Comptez, mon cher monsieur, sur la tendre et inviolable amitié de


Voltaire.

3229. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 6 septembre.

Mon divin ange, vous n’avez point encore répondu au Botoniate ; je vous crois un peu embarrassé avec la cour de Constantinople et avec l’auteur[1]. Il s’est senti animé par les réflexions que vous aviez eu la bonté de faire sur son ouvrage ; il a corrigé sa pièce plus facilement que je n’en puis faire une ; il vous l’a envoyée, tirez-vous de là comme vous pourrez. Mon cher ange, j’aime à voir des conseillers faire des tragédies. Je ne peux pas vous faire la même galanterie que ce bon M.  Tronchin ; je vous écris au chevet du lit de Mme  de Fontaine, qui est très-malade, et que l’autre Tronchin aura bien de la peine à tirer d’affaire. Je ne me porte guère mieux qu’elle. C’aurait été un beau coup d’aller à Lyon voir le maréchal de Richelieu, et entendre Mlle  Clairon ; mais nous donnons la préférence à Tronchin sur les autres grands personnages du siècle. C’est bien dommage d’être malade dans une si belle saison et dans un aussi beau séjour ; la seule situation de mon petit ermitage devrait rendre la santé.

Je ne peux guère, mon cher ange, vous parler de mes amusements de théâtre, au milieu des inquiétudes que Mme  de Fontaine me donne, et des continuelles souffrances qui me persécutent ; altri tempi, altre cure. Je m’intéresse encore moins à tout ce qui se passe sur ce pauvre globe, depuis Stockholm, où l’on coupe des têtes, jusqu’à Paris, où l’on fait des remontrances et de très-mauvais vers. Je ne m’intéresse qu’à vous et à vos anges. Mme  Denis vous fait les plus tendres compliments. Adieu, mon cher et respectable ami ; je serais bien affligé de mourir sans vous embrasser. Vous êtes tout ce que je regrette.

  1. Le conseiller Tronchin.