Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3232. — À M.  LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[1].
Aux Délices, 12 septembre.

J’écris quand je peux, mon cher monsieur ; je dérobe ce petit moment à mes alarmes et à mes souffrances pour vous remercier de votre souvenir. J’ai chez moi une nièce qui a été longtemps entre la vie et la mort[2]. Je ne suis guère mieux. Ainsi tenez-moi compte avec votre bonté ordinaire de mon triste laconisme. J’avais conseillé à M.  de La Marche de venir voir Tronchin, quoique Tronchin ne me guérisse pas.

J’ai pour voisin le président de Brosses[3] ; c’est un homme qui paraît très-instruit. Mais je ne peux profiter d’un si bon voisinage. Je peux à peine vous mander que je vous suis tendrement attaché.

Le malade V.

3233. — À M.  J.-J. ROUSSEAU.
Aux Délices, 12 septembre[4].

Mon cher philosophe, nous pouvons, vous et moi, dans les intervalles de nos maux, raisonner en vers et en prose ; mais, dans le moment présent, vous me pardonnerez de laisser là toutes ces discussions philosophiques[5], qui ne sont que des amusements. Votre lettre est très-belle ; mais j’ai chez moi une de mes nièces qui, depuis trois semaines, est dans un assez grand danger ; je suis garde-malade, et très-malade moi-même. J’attendrai que je me porte mieux, et que ma nièce soit guérie, pour oser penser avec vous. M.  Tronchin m’a dit que vous vien-

  1. Éditeur, Th. Foisset.
  2. Mme  de Fontaine.
  3. Ceci paraît marquer le commencement des rapports de Voltaire avec de Brosses. Ils sont plus caractérisés dans une lettre de ce dernier à M.  de Ruffey, en date du 14 octobre 1756.

    « Je n’ai guère pu profiter, écrivait-il, de l’agréable voisinage de Voltaire, n’ayant passé qu’une soirée à mon aise avec lui, Tronchin, Jalabert et d’Alembert, l’encyclopédiste, qui s’y trouva. Nous nous ajournâmes à un grand dîner pour le sur-lendemain. Mais, l’une de ses nièces étant tombée malade à l’extrémité, la partie ne put avoir lieu. Elle a toujours été fort mal, de sorte que je n’ai vu l’oncle que deux autres fois depuis, et assez succinctement. »
  4. C’est d’après M.  Clogenson que je date cette lettre du 12 septembre ; avant lui, elle était datée du 21. (B.)
  5. Voyez la lettre de J.-J. Rousseau, n° 3219.