pas dit. Je le déclare indigne de sa réputation s’il ne vous donne pas un cul et des tétons. Vous ferez très-bien de venir avec MM. Tronchin et Labat ; une femme ne peut se damner en voyageant avec son directeur, ni mal se porter en courant la poste avec son médecin.
Votre frère a donc quitté son pot à beurre[1] pour vous ; et il va soutenir la cause du grand-conseil contre les gens tenant la cour du parlement, Nous l’embrassons tendrement, votre sœur et moi. Nous comptions aller faire un petit tour à Lyon, pour la dédicace du beau temple dédié à la comédie, que la ville a fait bâtir moyennant cent mille écus. C’est un bel exemple que Lyon donne à Paris, et qui ne sera pas suivi ; mais l’autel ne sera pas prêt, et on ne pourra y officier qu’à la fin de juin[2]. Nous viendrons ou vous recevoir à Lyon, ou nous vous y reconduirons des petites Délices du lac. Enfin nous nous verrons, et tout s’arrangera, et je dirai : Tout est bien.
C’est Satan qui a fait imprimer l’ébauche de mon sermon. J’ai, dans un accès de dévotion, augmenté l’ouvrage de moitié, et j’ai pris la liberté de raisonner à fond contre Pope, et de plus, très-chrétiennement. Il y a sans doute beaucoup de mal sur la terre, et ce mal ne fait le bien de personne, à moins qu’on ne dise que votre constipation a été prévue de Dieu pour le bonheur des apothicaires. Je souffre depuis quarante ans, et je vous jure que cela ne fait de bien à personne. La maladie de M. de Séchelles[3] ne fera aucun bien à l’État. Pour la comédie[4] de La Noue, elle lui fera quelque bien, quoiqu’on dise qu’elle ne vaut pas grand’chose.
Votre sœur se donne quelquefois des indigestions de truite, et fait toujours sa cour à Alceste[5] et à Admète. Je fais de mon côté de la mauvaise prose et de mauvais vers. Je griffonne quelques articles pour l’Encyclopédie ; je bâtis une écurie, je plante des arbres et des fleurs, et je tâche de rendre l’ermitage des Dé-
- ↑ Sans doute l’abbaye de Scellières, où l’abbé Mignot allait de temps en temps.
- ↑ L’ouverture de la salle de spectacle de Lyon eut lieu le 30 août 1756 ; voyez les Archives historiques, statistiques, et littéraires du département du Rhône, tome XIII, page 437.
- ↑ Voyez la note, tome XXXVI, page 55.
- ↑ La Coquette corrigée, citée plus haut dans la lettre 3090, reprise avec succès le 27 novembre 1750. Mme Denis, auteur de la comédie trés-inconnue de la Coquette punie, prétendait que La Noue lui avait pillé « les plus belles situations et les meilleurs vers de sa pièce ». (Correspondance littérare de Grimm, V, 394, édition de 1829.)
- ↑ Mme Denis avait entrepris une tragédie d’Alceste.