Voici une paperasse qu’un savant Suisse me donne pour l’article Isis[2]. Si l’article n’est pas fait à Paris, si celui-ci est passable, faites-en usage ; sinon, au rebut. Voici encore le mot Liturgie[3], qu’un savant prêtre m’a apporté, et que je vous dépêche, à vous, illustre et ingénieux fléau des prêtres. J’ai eu toutes les peines du monde à rendre cet article chrétien. Il a fallu corriger, adoucir presque tout ; et enfin, quand l’ouvrage a été transcrit, j’ai été obligé de faire des ratures. Vous voyez, mon cher et sublime philosophe, quel progrès a fait la raison. C’est moi qui suis forcé de modérer la noble liberté d’un théologien qui, étant prêtre par état, est incrédule par sens commun.
On dit, mon très-cher philosophe, qu’il y a dans la canaille de Paris une secte de margouillistes ; ce devrait être le nom de toutes les sectes.
Ces margouillistes, dérivés des jansénistes, lesquels sont engendrés des augustinistes, ont-ils produit Pierre Damiens ? Portez-vous bien ; éclairez et méprisez le genre humain. N’oubliez pas de faire mes compliments à votre immortel confrère. Sans vous deux, et quelques-uns de vos amis, que resterait-il en France ?
L’ouvrage[5] que vous m’avez envoyé, monsieur, ressemble à son auteur : il me paraît plein de vertus, de sensibilité et de philosophie. Je pense, comme vous, qu’il y aurait beaucoup à réformer au théâtre de Paris. Mais tant que les petits-maîtres se mêleront sur la scène avec les acteurs, il n’y a rien à espérer. Le plus impertinent de tous les abus, c’est l’excommunication et l’infamie attachée au talent de débiter en public des sentiments
- ↑ Cette lettre, datée du 29 février, comme celle qui suit, dans toutes les éditions de Voltaire, est très-probablement du 19. Elle ne peut être, au plus tard, que du 26 ou du 27. (Cl.)
- ↑ L’Encyclopédie contient deux articles Isis : l’un, anonyme, est de Diderot ; l’autre, de M. de Jaucourt.
- ↑ L’article Liturgie dans l’Encyclopédie, est aussi de Diderot.
- ↑ Éditeurs, de Cayrol et François.
- ↑ Le Fils naturel, drame.