Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/223

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ment, en arrivant à Monrion, avec les pièces inutilement justificatives de cet infortuné.

C’est là, mon héros, tout ce que je puis vous dire de l’Angleterre, où les amis et les ennemis de l’amiral Byng rendent justice à votre mérite.

Je crois qu’on ne se doutait pas, en France, de la campagne à la Turenne que fait le roi de Prusse. Faire accroire aux Autrichiens qu’il demande des palissades, sous peine de l’honneur et de la vie, pour mettre Dresde hors d’insulte ; entrer en Bohême par quatre côtés, à la méme heure ; disperser les troupes ennemies, s’emparer de leurs magasins ; gagner une victoire signalée[1] sans laisser aux Autrichiens le temps de respirer ! vous avouerez, monseigneur, vous qui êtes du métier, que la belle campagne du maréchal de Turenne ne fut pas si belle. Je ne sais jusqu’à quel point de si rapides progrès pourront être poussés ; mais on prétend qu’il envoie vingt mille hommes au duc de Cumberland, et que bientôt on verra les Prussiens se mesurer contre les Français. Tout ce que je sais, c’est qu’il en a toujours eu la plus forte envie. S’il y a une bataille, il est à croire qu’elle sera bien meurtrière.

Parmi tant de fracas, conservez votre bonne santé et votre humeur. Daignez, monseigneur, ne pas oublier les paisibles Suisses, et recevez avec votre bonté ordinaire les assurances de mon tendre et profond respect. V.


3362. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[2].
Monrion, 29 mai.

Je vois que je ne serai instruit du sort de mon petit traité avec l’Altesse électorale palatine qu’à la fin de juin : cela sera plus commode pour les comptes. J’ai reçu aujourd’hui une lettre fort agréable de l’électeur, mais qui me renvoie pour les calculs à son Moras, et son Moras n’a point encore fini. Le roi de Prusse va un peu plus vite en besogne ; on prétend qu’il administrera bientôt les finances de Vienne, comme celles de Saxe. J’augure assez mal de tout ceci, et je ne serai point surpris s’il arrive malheur à notre brillante armée, qui manque de pain.

  1. Celle du 6 mai.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.