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philosophes qui s’entendent pour renverser le colosse. Il ne s’agit pas d’empêcher nos laquais d’aller à la messe ou au prêche ; il s’agit d’arracher les pères de famille à la tyrannie des imposteurs, et d’inspirer l’esprit de tolérance. Cette grande mission a déjà d’heureux succès. La vigne de la vérité est bien cultivée par des d’Alembert, des Diderot, des Bolingbroke, des Hume, etc. Si votre roi de Prusse avait voulu se borner à ce saint œuvre, il eût vécu heureux, et toutes les académies de l’Europe l’auraient béni. La vérité gagne, au point que j’ai vu, dans ma retraite, des Espagnols et des Portugais détester l’Inquisition comme des Français.


Macte animo, generose puer ; sic itur ad astra.

(Virg., ÆEn., IX, v. 641.)

Autrefois on aurait dit : Sic itur ad ignem.

Je suis fâché des simagrées de Dumarsais à sa mort. On a imprimé que ce provincial Deslandes, qui a écrit d’un style si provincial l’Histoire critique de la philosophie, avait recommandé, en mourant[1] qu’on brûlât son livre des grands hommes morts en plaisantant. Et qui diable savait qu’il eût fait ce livre ? Mme  Denis vous fait mille compliments. Le bavard vous embrasse de tout son cœur. Voyez-vous quelquefois l’aveugle clairvoyante[2] ? Si vous la voyez, dites-lui que je lui suis toujours très-attaché.


3475. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[3].
7 décembre.

Vous devez savoir la journée des dix-sept ponts jetés en même temps sur l’Oder, des treize attaques faites à la fois aux retranchements prussiens, et du sang répandu pendant six heures, et des Prussiens battus, et de leurs canons pris, et de leur retraite dans Breslau, et de Breslau bloquée. J’attends de Vienne un plus ample détail. Voilà ce qu’on m’a marqué en gros et à la hâte, à l’arrivée des postillons cornant du cor et annonçant dans Vienne, le 25 novembre, cette grande affaire du 22, qui nous venge et qui nous humilie.

  1. André-François Boureau Deslandes, né à Pondichéry en 1690, mort à Paris le 11 avril 1757. Son livre a pour titre : Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant.
  2. Mme  du Deffant.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.