Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/363

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ment utiles concernant les sciences et les arts. Ce sera un ouvrage immortel, et si les entrepreneurs avaient mieux choisi leurs ouvriers, ce serait un ouvrage parfait. Ils me donnent quelquefois des articles peu intéressants à faire ; mais tout m’est bon, et je me tiens trop heureux et trop honoré de mettre quelques cailloux à ce magnifique édifice. Je ne suis pourtant pas sans occupations dans ma douce retraite ; j’y passerai tout l’hiver. On n’a point une plus belle vue à Constantinople, et on n’y est pas si bien logé. J’irai ensuite revoir mes tulipes aux Délices. J’attends toujours le gros tonneau d’archives qu’on m’emballe de Pétersbourg ; mais il ne partira qu’après le dégel des Russes, c’est-à-dire au mois de mai. En attendant, j’ajoute à l’Histoire générale les chapitres de la religion mahométane, des possessions françaises et anglaises en Amérique, des anthropophages, des jésuites du Paraguai, des duels, des tournois, du commerce, du concile de Trente, et bien d’autres. C’est à M.  de Richelieu et au roi de Prusse à terminer cette histoire. Je ne sais à présent où est mon disciple. Il disait, il y a quelque temps, à Mitchell, le ministre d’Angleterre, à propos de la cacata de la flotte d’Albion : « Eh bien ! que faites-vous à présent ? — Sire, nous laissons faire Dieu. — Ah ! je ne savais pas qu’il fût votre allié. — Sire, c’est le seul à qui nous ne payons pas de subsides. — C’est aussi le seul qui ne vous assiste pas, »

Voilà une plaisante conversation.

Vale, scribe, et ama.


3513. — À M.  DE CHENEVIÈRES[1].
À Lausanne, 5 janvier.

Je ne me porte pas assez bien, mon cher monsieur, pour vous répondre en vers ; mais mon état languissant ne m’empêche pas de sentir le mérite des vôtres.

Mêlez, je vous prie, à vos vers un peu de prose qui m’instruise des détails de la victoire qu’on dit remportée, le 26 décembre, par M.  le maréchal de Richelieu. Je n’ai encore que des bruits vagues. Il est bien étrange que cette nouvelle ne soit pas encore confirmée dans un pays qui a trois régiments à notre service dans cette armée. On dit Mme  la duchesse d’Orléans malade, sans espoir de guérison. Cette triste nouvelle est-elle vraie ? La mort est partout, dans les palais, dans les chaumières, dans les

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.