Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3516. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[1].
Lausanne, 8 janvier.

La prise de Breslau, celle de tant d’officiers et de tant de troupes, le siège de Schweidnitz, celui même d’Olmütz dont on parle, achèvent d’établir dans l’Allemagne l’équilibre que nos armées ont tâché en vain de déranger. La France est bien servie sans le vouloir, et doit remercier le roi de Prusse de l’avoir battue. Pour peu qu’il poursuive le cours de ses victoires, il faudra que l’Autriche soit la première à demander la paix. Je ne serais point étonné que les bras des Russes et des Suédois ne s’engourdissent, et que le roi de Prusse fût plus puissant que jamais. Toute la Franconie est à présent inondée de troupes. Il faut aller manger aujourd’hui ce pays-là, après avoir dévoré les autres. Il est difficile que les lettres m’arrivent de Baireuth comme elles arrivaient. Je me suis borné à faire dans mes lettres en général des vœux pour la paix. Il est plaisant d’avoir des remords de lâcher ce terrible mot. Je l’ai souhaitée à tout le monde. Le prince de Saxe-Hildbourghausen[2] doit-il être si fâché qu’on lui en souhaite sa part ? Il rôde autour de Baireuth ; c’est un homme de mauvaise humeur, et s’il s’ouvre les lettres, il est tout propre à prendre pour une trahison les souhaits d’un bon Suisse.

Quant à la petite Suissesse huguenote[3] qui s’avise de faire tout en douceur des métis avec un papiste, si on peut la faire accoucher à Lyon chez quelque honnête et charitable dévote, si on peut mettre son enfant aux orphelins, je l’adresserai à la personne que vous aurez la bonté d’indiquer, en qualité de femme, de légitime épouse ; elle pourra gagner quelque chose à son autre métier, qui est celui de couturière. Quant à sa conversion, après ses couches, ce sera l’affaire de quelque chanoine : car il n’y a pas moyen de proposer cette bonne œuvre à un cardinal et à un archevêque de l’âge de Son Éminence.


3517. — DE M.  L’ABBÉ AUBERT[4].
À Paris, le 10 de janvier 1758.

Ô toi dont les sublimes chants
Imitent les sons fiers des clairons, des trompettes,

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Commandant l’armée d’Exécution, et battu avec Soubise à Rosbach.
  3. Voyez la lettre du 3 janvier au même.
  4. J.-L. Aubert, né en 1731, mort en 1814, envoyait à Voltaire le volume qu’il