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ANNÉE 1758.
3571. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Lausanne, 3 mars,

Mon cher ange, le porteur est M.  de Crommelin, né à Genève, et homme de tous les pays. Il a vu jouer deux fois Fanime ; il vous dira s’il aime la pièce, et si nous sommes de bons acteurs. Il vous dira surtout si j’avais un beau bonnet : il y a peu de personnes dans notre petit pays roman qui soient aussi bons juges que M.  de Crommelin. Je vous enverrai la pièce quand vous jugerez à propos qu’elle soit jouée, quand vous croirez avoir trouvé avec le public


· · · · · · · · · · Mollia fandi
Tempora · · · · · · · · · ·

(Virg. Æe. id. IV, v. 293)


Et vous la trouverez corrigée, non pas comme je l’aurais voulu, mais comme je l’ai pu, au milieu des fatras historiques, de l’embarras des ameublements, et des soupers.

Je n’ai pu jouer encore la Femme qui a raison. Il faut que je retourne à mes Délices pour planter. Je suis encore plus jardinier que poète : c’est que je jouis de mon jardin, et que je suis privé du tripot de Paris. Je porte une terrible envie à M.  de Crommelin, qui aura le bonheur de vous voir. V.


3572. — À M.  DE CIDEVILLE.
À Lausanne, 3 mars.

Je reçois de vous, mon cher et ancien ami, deux lettres charmantes ; vers et prose, tout me rappelle la bonté de votre cœur et les grâces de votre esprit. J’aime mieux vous dire bien vite, et tout simplement, combien j’en suis touché, que d’attendre l’inspiration et le moment heureux de faire des vers, pour vous remercier dignement. D’ailleurs je suis plongé dans les détails de l’histoire, attendu qu’on va réimprimer cette Histoire générale, ce portrait des sottises et des horreurs du genre humain pendant huit à neuf siècles.

Un peu d’histrionage partage encore mon temps. Nous avons joué une pièce nouvelle sur un très-joli théâtre ; Mme  Denis a été applaudie comme Mlle  Clairon, et elle l’aurait été de même à Paris. Je vous avertis, sans vanité, que je suis le meilleur vieux