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CORRESPONDANCE.
3601. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[1].
Délices, 5 mai.

Quoique M.  le chevalier des Soupirs m’envoie des triplicata de son arrivée sur la côte de Coromandel, je tremble pour nos affaires d’Orient et d’Occident. Je voudrais que le Canada fût au fond de la mer Glaciale, même avec les révérends pères jésuites de Québec, et que nous fussions occupés à la Louisiane à planter du cacao, de l’indigo, du tabac et des mûriers, au lieu de payer tous les ans quatre millions pour nos nez à nos ennemis les Anglais, qui entendent mieux la marine et le commerce que messieurs les Parisiens.

Le roi de Prusse m’a accordé un congé pour un de vos Genevois prisonniers[2] ; c’est un Turretin, famille honorée ici presque comme les Tronchin. Cette petite aventure m’a fait un extrême plaisir. Je n’ai, Dieu merci, rien à demander pour moi à aucun roi de ce bas monde, et je suis enchanté d’obtenir pour les autres.


3602. — À M.  THIERIOT.
Aux Délices, 8 mai.

Mon cher et ancien ami, il me paraît qu’on n’est pas plus instruit du secret de l’historiographe de toutes les Russies que de celui de la Pucelle. Ce sont les mystères de mon gouvernement. Si vous voulez y être initié, vous n’avez qu’à venir dans ma chancellerie ; mais je suis bien sûr qu’on ne quitte point de jeunes, belles et brillantes baronnes chrétiennes[3] pour des Suisses hérétiques.

L’énigme de Mme  la duchesse d’Orléans[4] est une attrape-Fonce-magne. Ce n’est pas la première fois que les belles se sont moquées des savants. Voici comme ou pourrait lui répondre, en assez mauvais vers :


Votre énigme n’a point de mot ;
Expliquer chose inexplicable,

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Voyez la lettre 3594.
  3. Mme  de Montmorency.
  4. Louise-Henriette de Bourbon, mariée, en décembre 1743, à Louis-Philippe d’Orléans, alors duc de Chartres ; morte le 9 février 1759. L’énigme que cette princesse avait donnée à deviner à l’auteur d’Œdipe est dans le tome X (Poésies mêlées), avec les douze vers ci-dessus.