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durement Pierre Bayle. Le parlement de Toulouse honora un peu plus sa mémoire ; mais altri tempi, altre cure.

L’auteur des Notes sur le Sermon de Lisbonne ne pouvait prévoir qu’on ferait une Saint-Barthélemy de Bayle, du pauvre jésuite Berruyer, de l’évêque de Troyes[1], et de je ne sais quelle Christiade. Il faut retrancher tout ce passage : « Je crois devoir adoucir ici, etc. » (page 20), et mettre tout simplement : « Tout sceptique qu’est le philosophe Bayle, il n’a jamais nié la Providence, etc. ; » et, à la fin de la note, il faut retrancher ces mots : « C’est que les hommes sont inconséquents, c’est qu’ils sont injustes. » Ces mots étaient une prophétie ; supprimons-la. Les prophètes n’ont jamais eu beau jeu dans ce monde. Mettons à la place : « C’est apparemment pour d’autres raisons qui n’intéressent point ces principes fondamentaux, mais qui regardent d’autres dogmes non moins respectables. » Je vous prie, mon ancien ami, de ne pas négliger cette besogne ; elle est nécessaire. Il se trouve, par un malheureux hasard, que la note, telle qu’elle est, deviendrait la satire du discours d’un avocat général[2] et d’un arrêt du parlement ; on pourrait inquiéter le libraire, et savoir mauvais gré à l’éditeur ; le pauvre père Berruyer sera de mon avis. Tâchez donc, mon ancien ami, de raccommoder par votre prudence la sottise du hasard.

Je crois actuellement M.  de Richelieu dans Port-Mahon ; il n’est pas allé là par la cheminée[3].

Je vous embrasse de tout mon cœur.


3166. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 3 mai.

Thieriot me mande, mon divin ange, que vous avez été content de l’édition de mes sermons, que ma morale vous a plu, que les Notes ont eu votre approbation ; mais vous saviez l’affront qu’on venait de faire au père de l’Église des sages, à Bayle. On venait de le traiter comme le père Berruyer et comme la Christiade ; on l’associait à l’évêque de Troyes. On brûlait tout, et Ancien et Nouveau Testament, et mandements, et philosophie. Cette capilotade est assez singulière, et le discours de M.  Joly peu courtois

  1. Voyez tome XVI, page 88.
  2. Omer Joly de Fleury.
  3. Richelieu s’introduisait chez Mme  de La Popelinière par une cheminée tournante.