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CORRESPONDANCE.

mes pénates champêtres par inquiétude, pour aller chez l’électeur palatin par vanité. Je vous avouerai que j’ai mis dans cette cour, et entre les mains de l’électeur, une partie de mon bien, qu’on pille presque partout ailleurs. Il a bien voulu avoir la bonté de faire avec moi un petit traité qui me met en sûreté, moi et les miens, pour le reste de ma vie.

Le bon Horace dit :


Det vitam, det opes ; æquum mi animum ipse parabo.

(Lib. I, ep. XVIII, 112.)

Il aurait dû ajouter det amicos ; mais vous me direz que c’est notre affaire, et non celle du ciel. C’est l’amitié de mes nièces qui fait de près le bonheur de ma vie ; c’est la vôtre qui le fait de loin :


Excepto quod non simul essem, cætera lætus.

(Hor., lib. I, ép. x, 50.)


Je vous ai bien souvent regretté, et votre souvenir m’a consolé. Vous n’êtes pas homme à franchir les Alpes, et à me venir voir sur les bords de mon lac, comme Mme  du Boccage ; vous vous contentez de cueillir les fleurs d’Anacréon dans vos jardins ; vous n’allez pas chercher comme elle la couronne du Tasse au Capitole,


Satis beatus unicis Sabinis.

(Hor., lib. II, od. XVIII, 14.)

Adieu, mon cher et ancien ami ; mes deux nièces, toute ma famille, vous font les plus tendres compliments. V.

Eh bien, les Anglais ont donc quitté vos côtes normandes, nonobstant clameur de haro ! Est-il vrai qu’ils ont pris beaucoup de canons, de vaches, de filles, et d’argent ? Le Canada va donc être entièrement perdu, le commerce ruiné, la marine anéantie, tout notre argent enterré en Allemagne ? Je vous trouve très-heureux, mon cher Cideville, de posséder la terre de Launai. Je n’ai aux Délices que l’agréable, et vous possédez l’agréable et l’utile.


Beatus ille qui, procul ridiculis,
Fœcunda rura bobus exercet suis !

(Hor., Épod., II, I.)