Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/147

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vernent. Il y aura toujours des guerres, des procès, des dévastations, des pestes, des tremblements de terre, des banqueroutes. C’est sur ces matières que roulent toutes les annales de l’univers.

Je crois, puisque cela est ainsi, qu’il faut que cela soit nécessaire. Maître Pangloss vous en dira la raison. Pour moi, qui n’ai pas l’honneur d’être docteur, je vous confesse mon ignorance. Il me paraît cependant que si un être bienfaisant avait fait l’univers, il nous aurait rendus plus heureux que nous ne le sommes. Il n’y a que l’égide de Zenon pour les calamités, et les couronnes du jardin d’Épicure pour la fortune.

Pressez votre laitage, faites cuver votre vin, et fauchez vos prés sans vous inquiéter si l’année sera abondante ou stérile. Le gentilhomme du Bien-Aimé m’a promis, tout vieux lion qu’il est, de donner un coup de patte à l’infâme. J’attends son livre[1]. Je vous envoie, en attendant, un Akakia contre Sa Sainteté[2], qui, je m’en flatte, édifiera votre béatitude.

Je me recommande à la muse du général des capucins, de l’architecte de l’église de Ferney, du prieur des filles du Saint-Sacrement, et de la gloire mondaine du pape Rezzonico, de la pucelle Jeanne, etc.

En vérité, je n’y tiens plus. J’aimerais autant parler du comte de Sabine, du chevalier de Tusculum, et du marquis d’Andes[3]. Les titres ne sont que la décoration des sots ; les grands hommes n’ont besoin que de leur nom.

Adieu ; santé et prospérité à l’auteur de la Henriade, au plus malin et au plus séduisant des beaux esprits qui ont été et qui seront dans le monde. Vale.


Fédéric.

3883. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[4].
Aux Délices, près de Genève, 3 juillet.

Je vous demandais, monsieur, avec humilité deux cents ceps de vigne, sentant parfaitement combien ma terre maudite, mon vigneron et moi, nous sommes indignes d’une telle faveur. Vous daignez m’en faire parvenir davantage.


Dî melius fecere, bene est ; nihil amplius opto.


Je ne prétends pas faire cent bouteilles de vin d’un bourguignon allobroge. Je ne veux que plaisanter avec mon terrain calviniste. Le territoire païen des Hottentots est un peu plus béni de Dieu. C’est là que les vignes de Bourgogne se perfectionnent ; mais nous ne sommes pas, dans notre Allobrogie, au trente-qua-

  1. Sans doute le drame de Socrate ; voyez tome V, page 361.
  2. Bref de Sa Sainteté le pape à M. le maréchal Daun.
  3. Village natal de Virgile.
  4. Éditeur, de Mandat-Grancey. — En entier de la main de Voltaire. (Note du premier éditeur.)