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encouragerait toutes les petites puissances de l’Europe à l’imiter : qu’en pensez-vous ? Ce savant docteur ne raisonne pas si mal.


3981. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Novembre.
(a vous seul.)

Mon divin ange, vous êtes un ange de paix. Permettez que je vous parle votre langue, après avoir parlé celle de notre tripot des Délices. Vous êtes né, de toutes façons, pour mon bonheur, dans mes plaisirs, dans mes affaires. Je vous dois tout ; vous êtes en tout temps constitué mon ange gardien ; écoutez donc ma dévote prière.

1° Je voudrais savoir, en général, si M. le duc de Choiseul est content de moi ; et vous pouvez aisément vous en enquérir un mardi. Tout ce que je peux vous dire, c’est que j’ai grande envie de lui plaire, et comme son obligé, et comme citoyen.

2° S’il entrait avec vous dans quelque détail, comme il y est entré avec M. de Chauvelin, ne pourriez-vous pas lui dire, quelque autre mardi, la substance des choses ci-dessous ?

Voltaire est dans une correspondance suivie avec Luc ; mais, quelque ulcéré qu’il puisse être et qu’il doive être contre Luc, puisqu’il est capable d’avoir étouffé son ressentiment au point de soutenir ce commerce, il l’étouffera bien mieux quand il s’agira de servir. Il est bien avec l’électeur palatin, avec le duc de Wurtemberg, avec la maison de Gotha, ayant eu des affaires d’intérêt avec ces trois maisons, qui sont contentes de lui, et qui lui écrivent avec confiance. Il a été le confident du prince de Hesse l’apostat[1]. Il a des amis en Angleterre. Toutes ces liaisons le mettent en droit de voyager partout, sans causer le moindre soupçon, et de rendre service sans conséquence.

Il a été envoyé secrètement, en 1743, auprès de Luc. Il eut le bonheur de déterrer que Luc alors se joindrait à la France ; il le promit ; le traité fut conclu depuis, et signé par M. le cardinal de Tencin. Il pourrait rendre aujourd’hui quelque service non moins nécessaire.

Mon cher ange, il faut la paix à présent, ou des victoires complètes sur mer et sur terre. Ces victoires complètes ne sont pas certaines, et la paix vaut mieux qu’une guerre si ruineuse. On

  1. Frédéric, prince de Hesse, avait été élevé dans le calvinisme ; mais vers 1754 il s’était fait catholique. Il devint landgrave de Hesse à la fin de janvier 1760.