Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/287

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téressantes et mieux faites que l’abominable rapsodie qui vous a paru si indigne de votre presse, et qui a l’air d’être faite par le laquais d’un gredin. Vous me feriez plaisir, monsieur, de m’envoyer votre recueil ; vous n’avez qu’à le faire remettre à la grande poste, à mon adresse : À monsieur de Voltaire, gentilhomme ordinaire du roi, dans son château de Tournay, près de Gex, par Genève. Et pardessus cette adresse : À monsieur Bouret, fermier génèrcal, intendant des postes à Paris.

Je vous prie, monsieur, de faire mes compliments à monsieur votre père, et de me croire très-véritablement votre très-humble et très-obéissant serviteur.


4023. — À M.  PIERRE ROUSSEAU[1].
Janvier.

Quelque répugnance, messieurs, qu’on puisse sentir à parler de soi-même au public, et quelque vains que puissent être tous les petits intérêts d’auteurs, vous jugerez peut-être qu’il est des circonstances où un homme qui a eu le malheur d’écrire doit au moins, en qualité de citoyen, réfuter la calomnie. Il n’est pas bien intéressant pour le public que quelques hommes obscurs aient, depuis dix ans, mis leurs ouvrages sous le nom d’un homme obscur tel que moi ; mais il m’est permis d’avertir qu’on m’a souvent apporté, dans ma retraite, des brochures de Paris, qui portaient mon nom avec ce titre : imprimé à Genève.

Je puis protester que non-seulement aucune de ces brochures n’est de moi, mais encore qu’à Genève rien n’est imprimé sans la permission expresse de trois magistrats, et que toutes ces puérilités, pour ne rien dire de pis, sont absolument ignorées dans ce pays, où l’on n’est occupé que de ses devoirs, de son commerce et de l’agriculture, et où les douceurs de la société ne sont jamais aigries par des querelles d’auteurs.

Ceux qui ont voulu troubler ainsi ma vieillesse et mon repos se sont imaginé que je demeurais à Genève. Il est vrai que j’ai pris, depuis longtemps, le parti de la retraite, pour n’être plus

  1. Cette lettre a été imprimée dans le Journal encyclpédique, daté du 1er janvier 1760, page 110, comme adressée aux auteurs de ce journal, que rédigeait Pierre Rousseau. Elle a été reproduite dans le Mercure de 1760, tome II de janvier, page 143.

    Fréron avait commencé la guerre à l’occasion de Candide, puis de la Femme qui a raison. La lettre de Voltaire la décida. Fréron y répondit dans l’Année littéraire, 1760, tome IV, page 7. Il feint de croire que la lettre n’est pas de Voltaire. (B.)