Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/296

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laissé surprendre aux insinuations d’un scélérat tel que Grasset. Je suis toujours enchanté des bontés inaltérables de M.  de Freudenreich. Si tous les hommes d’État lui ressemblaient, les choses en iraient mieux, et maître Pangloss trouverait avec moins de peine le meilleur des mondes possibles. Je ne sais ce que c’est que les pauvretés de Fréron, et toutes ces misérables brochures dont on est chargé, rassasié, dégoûté à l’excès, et qui tombent, au bout de deux jours, dans l’éternel oubli qu’elles méritent. Nos affaires de France sont un objet plus intéressant ; on n’a point encore de topique pour les blessures faites à nos finances. Je me ralentis sur mes bâtiments ; je vais selon le temps, et ce n’est pas assurément le temps de décorer des châteaux. J’ai peur que cette année la paix ne soit un château en Espagne.

À propos, je me suis mis à lire Litteras[1] obscurorum virorum, que je n’avais daigné jamais regarder, par préjugé contre le siècle de barbarie où elles furent faites. Je suis émerveillé, cela vaut mieux que Rabelais. C’est dommage que notre sainte Église romaine y soit tournée en ridicule. Mais quelle naïveté ! quelle bonne plaisanterie ! je pouffe de rire. Je vois qu’à la fin du XVe siècle on savait déjà du grec en Allemagne, et rien en France. Nous sommes venus les derniers en tout, et nous sommes actuellent ultimi hominum. Intérim vale. V.


4031. — À. M.  TRONCHIN, DE LYON[2].
23 janvier.

Vous êtes bien bon de songer à votre fermier des Délices au milieu de toutes vos affaires, et même des affaires générales, sur lesquelles je ne doute pas que vous n’ayez donné de bons conseils, quoique vous ne vous en vantiez pas. La France a besoin d’une belle campagne pour sa gloire ; mais elle a encore plus besoin de la paix pour son argent.


4032. — À M.  LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 23 janvier.

J’ai laissé passer les fêtes de la nativité del divino Bambino, et sa circoncision. Je n’ai point voulu interrompre mon héros dans

  1. Epistolœ obscurorum virorum ; voyez la note, tome XXVI, page 475.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.