Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/326

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mais où, quand, et comment ? Voilà des problèmes que d’Alembert ni le grand Newton ne sauraient résoudre.

Adieu ; vivez heureux et en paix ; et n’oubliez pas ceux que le diable, ou je ne sais quel être malfaisant, lutine.


Fédéric.

4058. — À M.  HENNIN.
Aux Délices, 27 février.

Monsieur, vous êtes bien bon de vous ressouvenir de moi lorsque, après avoir vu le Pausilippe, vous allez revoir les salines de Pologne. J’aimerais comme vous l’Italie, s’il n’y fallait pas demander permission de penser à un jacobin ; mais je n’aimerais pas la Pologne, quand même on y penserait sans demander permission à personne. Je vous souhaite beaucoup de plaisir, et à M.  le marquis de Paulmy, avec les palatins et les palatines. Tâchez surtout de conserver votre santé dans vos voyages. Autrefois on envoyait chez les Suisses et chez les Polonais des hommes vigoureux qui tenaient tête, à table, aux deux républiques ; aujourd’hui on n’y envoie que des gens d’esprit. Leur seule instruction était : Bibat aut moriatur ; mais il paraît qu’aujourd’hui leur instruction est de plaire.

Vous avez, monsieur, à la tête des affaires étrangères, un homme[1] d’un rare mérite, bien fait pour connaître le vôtre. Je lui suis passionnément attaché par inclination et par reconnaissance. Il donnera sûrement à son ministère plus de force et de noblesse qu’il n’en a eu jusqu’ici. Je souhaite qu’il soit aussi aisé d’avoir de l’argent qu’il lui est naturel d’avoir de grands sentiments.

Vous m’étonnez beaucoup, monsieur, de dire que vous repasserez par Berlin. Je me flatte au moins que vous ne verrez pas le roi de Prusse à Dresde. Jamais prince n’a donné plus de batailles et fait plus de vers. Plût à Dieu que, pour le bien de l’Europe, vous le trouvassiez à Sans-Souci faisant un opéra ! Vous trouverez le roi de Pologne moins poète et moins guerrier ; mais vous ferez la Saint-Hubert avec lui, et c’est une grande consolation. Vous aurez le plaisir de voir en passant l’armée russe couchée sur la neige, et vous l’exhorterez à aller coucher à Leipsick.

Au reste, monsieur, je conçois que cette sorte de vie doit vous être agréable : ce sont toujours des objets nouveaux ; vous avez le plaisir de vous instruire, et de servir le roi : cela vaut bien les soupers de Paris, où, de mon temps, tout le monde parlait à la

  1. Le duc de Choiseul.