Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/341

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J’ai saisi l’occasion pour demander une espèce de grâce, ou plutôt de justice, à M. de Courteilles. On me persécute, ne vous déplaise, de la part du conseil ; on veut que je sois haut-justicier ; on fait pendre, ou à peu près, de pauvres diables en mon nom. On me fait accroire que rien n’est plus beau que de payer les frais, et on va saisir mes bœufs pour me faire honneur. Je suis toujours en querelle avec le roi, mais je le mène beau train. J’ai déjà fait bouquer messieurs du domaine ; je l’emporterai encore sur eux, car j’ai raison, et M. de Courteilles entendra raison. Je vous en fais juge ; lisez la lettre[1] que je lui écris, seulement pour vous en amuser et pour la recommander. La charge d’ange gardien n’est pas avec moi un bénéfice simple. Vous avez encore eu l’endosse d’un abbé d’Espagnac : tout cela est fini. Je ne le traite pas comme le roi ; je crains un conseiller-clerc bien davantage, et j’aime mieux payer cent pistoles que je ne dois pas, que d’avoir un procès avec un grand chambrier qui en sait plus que moi. Mais, pour le roi, je ne lui ferai point de grâce ; il aura affaire à moi, avec ma chienne de haute justice. Poussez cela, je vous prie, vivement avec M. de Courteilles.

Luc est plus fou que jamais ; je suis convaincu que, s’il voulait, nous aurions la paix. Je ne désespère encore de rien ; mais il faudrait que M. le duc de Choiseul m’écrivît au moins un petit mot de bonté. Cela n’est-il pas honteux que je reçoive quatre lettres[2] de Luc contre une de votre aimable duc ?

Et M. le maréchal de Richelieu, autre négligent, autre Pococurante[3] ; que fait-il ? ne le voyez-vous pas ? n’a-t-il pas des filles ? ne rit-il pas dans sa barbe de tout ce qui se passe ? Est-il vrai que les jésuites ont fait pour quinze cent mille francs[4] de lettres de change qu’ils ne payent point ? Il n’y a qu’à les mettre entre les mains des jansénistes : il faudra bien qu’ils payent.

Mon Dieu, que si j’ai de bon foin cette année je serai heureux !

Je baise plus que jamais le bout de vos ailes avec la plus tendre reconnaissance.

Madame Scaliger, si je n’ai pas fait dans Tancrède tout ce que vous vouliez, écrivez contre moi un livre.


  1. Nous ne connaissons pas cette lettre. (Cl.)
  2. La plupart de ces lettres n’ont pas été retrouvées non plus. (Cl.)
  3. Personnage de Candide.
  4. Voyez tome XVI, page 102.