Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/37

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dont on nous accable. On croit être solide, on n’est que lourd et lourdement chimérique.

Est-il vrai, madame, que le parlement[1] fait brûler le livre de l’Esprit ? Passe encore pour des mandements d’évêque ; mais de gros in-quarto scientifiques ! Sont-ce là des procès à juger dans la cour des pairs ?

M.  de Cideville est-il à Paris ? Je lui ai écrit dans sa rue de Saint-Pierre ; peut-être n’y est-il plus. Voyez-vous souvent le grand abbé du Resnel ? Ces deux messieurs me paraissent à moitié sages ; ils passent six mois au moins hors de Paris.

Pardon, madame ; non, ils ne sont point sages du tout, ni moi non plus ; ils vous quittent six mois, et moi pour toujours ! Daignez m’écrire, si vous voulez que je ne sois pas à plaindre.

Pardonnez, madame, à un malingre, s’il n’a pas l’honneur de vous écrire de sa main ; son corps est faible, mais son cœur est rempli pour vous des sentiments les plus vifs d’estime et d’attachement.

Il en dit autant à M.  du Boccage.


3765. — À M.  COLINI.
Aux Délices, 2 février.

Si vous voulez entreprendre et suivre l’affaire de la restitution de vos effets, mon cher Colini, il faut courage et patience, et vous en viendrez à bout. Il est nécessaire que vous alliez à Francfort, dussiez-vous y aller en pèlerin. M.  de Sauer doit vous aider ; je vous ferai toucher quelque argent à Francfort ; vous aurez des lettres de recommandation pour Vienne, et Mme  de Bentinck pourra vous y être utile. Il n’est point étonnant que vous ayez attendu le moment favorable qui se présente[2]. Vos anciennes protestations subsistent. Votre petite cassette, où étaient vos effets, était dans une des malles dont on s’empara. Vous pouvez me citer, j’agirai en temps et lieu. Il est certain qu’un homme qui s’est emparé des malles et effets d’un voyageur, sans faire d’inventaire et sans forme juridique, est tenu de rendre tout ce qu’on lui redemande. Il n’est question que d’aller secrètement à Francfort avec des lettres de recommandation, et de bien songer que, quand on a fortement résolu de réussir, il est rare qu’on échoue. Il faut discrétion, protection, courage, patience, et vous avez tout cela.

  1. L’arrêt du parlement est du 6 février, mais le réquisitoire d’Omer Joly de Fleury est du 29 janvier 1759 ; voyez ci-après, lettre 3770.
  2. L’occupation de Francfort par les armées françaises ; voyez Mon Séjour auprès de Voltaire, par Colini, pages 94, 95 et 209.