Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/399

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osé noircir depuis ce héros de votre nation. Mais je suis bien vieux et bien infirme ; il faut que je me hâte et ne meure point avec le regret de n’avoir point achevé ce que vous avez fait commencer. Je suis toujours à vos ordres.

J’ai l’honneur d’être, avec les plus respectueux sentiments, etc.


V.

4123. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
16 mai.

Un Gasparini[1], mon divin ange, doit demander ou avoir demandé votre protection pour débuter, pour être reçu, ou pour être souffert à l’essai. Il est bon dans les rôles à manteau, dans certains rôles de père ; et je vous assure qu’il fit mourir de rire dans le rôle de M. Duru[2], quoi qu’en dise le grand Fréron mon ami.

Je reçois vingt lettres de connus, d’inconnus, qui tous s’adressent à moi pour que je sois le réparateur des torts, pour que je venge le public de l’infamie du théâtre. Je m’en garderai bien ; je n’ai que trop fait le don Quichotte. Que les intéressés pourvoient à leurs affaires.

Je vous accable de lettres, pardon ; mais, puisque m’y voilà, vous saurez que j’ai relu Tancrède ; elle finissait languissamment. Que dites-vous des fureurs d’Oreste ? déclamation, et puis c’est tout. Mais fureurs de femme, fureurs mêlées de tendresse, rage contre les chevaliers, emportements contre son père, larmes sur le corps de son amant, évanouissement, retour à la vie, transports, désespoir aux yeux de ceux qui ont fait ses malheurs : si cela n’est pas théâtral, si cela n’est pas déchirant, je suis un grand sot.

Patience ; la Chevalerie a quelque chose de bien neuf, en dépit de l’envie, et Mme Scaliger sera contente ; et je baise le bout de vos ailes plus que jamais. Ainsi fait Clairon-Denis.


4124. — À MADAME BELOT[3].
16 mai.

Vos lettres sont charmantes, madame ; mais les sujets en sont bien tristes. Vous semez des fleurs sur un fond noir. Ce que vous

  1. Gasparini débuta, le 8 juin 1760, par le rôle d’Ésope dans Ésope à la Foire, puis joua quelques autres rôles, mais ne fut point admis.
  2. Personnage de la Femme qui a raison.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.