Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/429

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Je suppose que vous avez reçu, mon cher ange, mon paquet adressé à M. de Chauvelin, paquet dans lequel était ma réponse à Palissot. J’ai pris la liberté de vous prier que cette réponse passât par vos mains, afin que vous fussiez à la fois témoin et juge.

Encore une fois, il paraît difficile qu’on joue Socrate. Cette pièce ne peut plaire qu’en rendant les Mélitus et les Anitus, et les autres juges, aussi méprisables que des coquins peuvent l’être ; d’ailleurs, je voudrais que la pièce fût en vers : cela donne plus de force aux maximes, et la morale est un peu moins ennuyeuse en vers bien frappés qu’en prose.

Pour l’Écossaise, vous l’aurez quand vous voudrez ; et tout le procès-verbal du voyage de Lindane à Londres, et de ce qu’elle y fait, ne tiendra pas dix lignes. Frelon embarrasse fort M. Hume. Il me mande que, si on change le caractère de cet animal, il croira qu’on l’a craint, et qu’il est bon que ce scorpion subsiste dans toute sa laideur. M. Guêpe vaut bien M. Frelon : wasp signifie en anglais frelon et guêpe ; mais on ne peut pas s’appeler Wasp à Paris.

Le petit Hurtaud croit le Droit du Seigneur ou le Débauché infiniment supérieur à Socrate et à l’Écossaise ; il n’y voit pas la moindre ressemblance avec Nanine. Il compte vous soumettre la pièce, et vous l’envoyer avec l’ordonnance de M. Tronchin (mais non, il ne vous l’enverra pas de quinze jours ; tant mieux).

Venons, s’il vous plaît, à un autre article. Je ne lis point les feuilles de Frelon. J’ignore s’il loue ou s’il blâme les œuvres de Luc ; mais, entre nous, je soupçonne M. le duc de Choiseul de s’être servi de lui pour répondre à une certaine ode de Luc contre le roi. Cependant M. le duc de Choiseul m’écrivit qu’il l’avait faite lui-même[1]. Tant mieux, si cela est ; j’aime qu’un ministre soit du métier, et j’admire sa facilité et sa promptitude.

Marmontel est ici avec un Gaulard très-aimable et très-doux. Il jure qu’il n’a pas la moindre part à l’infamie[2] de la scène d’Auguste, et il le jure avec larmes.

Est-il vrai, mon cher ange, qu’on persécute les philosophes avec fureur ? Que je suis aise d’être aux Délices ! Mais que je suis fâché d’être loin de vous !

Je reçois dans ce moment les arrêts de Tronchin ; je ne crois pas que ce soient des édits contre lesquels on puisse faire des remontrances. Je vous adresse le paquet, afin qu’il parvienne par

  1. Elle était de Palissot.
  2. Voyez la note, tome XXXVII, page 33.