Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/535

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pas souffrir cette familiarité plate que le bonhomme Sarrasin prenait quelquefois pour le naturel, cette façon misérable de réciter des vers comme on lit la gazette ! J’aimerais, je crois, encore mieux l’ampoulé, que je n’aime point.

Au reste, vous savez bien que vous êtes le maître absolu de vos bienfaits, ainsi que de la pièce et de l’auteur. Je vous ai envoyé, par le dernier ordinaire, mon édifiante lettre au roi Stanislas. Je chercherai ces Dialogues[1] que vous voulez voir ; j’en ferai faire une copie ; tout est à vos ordres, comme de raison. Permettez-moi de vous remercier encore d’avoir vengé le public en donnant l’Écossaise ; vous avez décrédité ce malheureux Fréron dans Paris et dans les provinces, et il était nécessaire qu’il fût décrédité. Donnez la bataille de Tancrède quand il vous plaira, vous êtes un excellent général. Si M. Daun avait conduit ses troupes comme vous conduisez les vôtres, le roi de Prusse ne lui aurait pas dérobé tant de marches. Adieu, mon divin ange ; en voilà beaucoup pour un malingre qui n’en peut plus, mais qui adore ses anges.


4242. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, 2 septembre.

Il y a un siècle, mon cher et grand philosophe, que je ne vous ai rien dit. Un grand diable d’ouvrage[2] de géométrie, que je viens de mettre sous presse, en est la cause. Je profite du premier moment pour me renouveler dans votre souvenir.

La difficulté n’est pas de trouver dans l’Académie des voix pour Diderot, mais : 1° de lui en trouver assez pour qu’il soit élu ; 2° de lui sauver douze ou quinze boules noires qui l’excluraient pour jamais ; 3° d’obtenir le consentement du roi. Il serait médiocrement soutenu à Versailles ; chacun de nos candidats y a déjà ses protecteurs. Je sais que cela ferait une guerre civile, et je conviens avec vous que la guerre civile a son amusement et son mérite ; mais il ne faut pas que Pompée y perde la vie.

J’ai dit à l’abbé Mords-les toutes les obligations qu’il vous a ; et dès qu’il sera sédentaire à Paris, il se propose de vous en remercier. Il est pourtant un peu fâché de ce que dans vos lettres à Palissot vous appelez la Vision une f… pièce, ou autant vaut. C’est pourtant cette f… pièce qui a mis les rieurs de notre côté.

J’ai donné à Thieriot le peu d’anecdotes que je savais sur les différents

  1. Les deux Dialogues chrétiens ; voyez tome XXIV, page 129.
  2. Opuscules mathématiques, ou Mémoires sur différents sujets de géométrie, etc. Cette collection, en huit volumes petit in-4o, commença à paraître en 1761.