Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/552

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on fait toujours en Orient et en Occident : car il est très-certain qu’aucun monarque du monde n’a le droit de s’amuser à voler et à tuer ses sujets, selon son bon plaisir.

Nos pauvres historiens nous en ont trop fait accroire ; et le plus mauvais service qu’on puisse rendre au genre humain est de dire, comme ils font, que les princes orientaux sont très-bien venus à couper toutes les têtes qui leur déplaisent. Il pourrait très-bien arriver que les princes occidentaux, et leurs confesseurs, s’imaginassent que cette belle prérogative est de droit divin. J’ai vu beaucoup de voyageurs qui ont parcouru l’Asie ; tous levaient les épaules quand on leur parlait de ce prétendu despotisme indépendant de toutes les lois. Il est vrai que, dans les temps de trouble, les monarques et les ministres d’Orient sont aussi méchants que nos Louis XI et nos Alexandre VI ; il est vrai que les hommes sont partout également portés à violer les lois, quand ils sont en colère ; et que, du Japon jusqu’à l’Irlande, nous ne valons pas grand’chose. Il y a pourtant d’honnêtes gens ; et la vertu, quand elle est éclairée, change en paradis l’enfer de ce monde.

Il paraît par votre lettre, monsieur, que votre vertu est de ce genre, et que l’illustre président de Montesquieu aurait eu en vous un ami digne de lui.

Un homme dont les terres ne sont pas, je crois, éloignées de chez vous, est venu passer quelque temps dans ma retraite : c’est M.  le marquis d’Argence[1]. Il me fait éprouver qu’il n’y a rien de plus aimable qu’un homme vertueux qui a de l’esprit. Je voudrais être assez heureux pour que vous me fissiez le même honneur qu’il m’a fait.

J’ai celui d’être, avec la plus respectueuse estime, etc[2].


4262. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[3].
Paris, 20 septembre 1760.

Non, non, monsieur, je ne suis pas une grande enfant ; je suis une petite vieille qui ai tous les apanages de la vieillesse, excepté la mauvaise humeur. Je blâme M.  de Voltaire quand il s’associe ou plutôt se fait chef d’un parti

  1. Voyez page 182.
  2. Dans le recueil intitulé Lettres de M.  de Voltaire à ses amis du Parnasse (voyez tome XXV, page 579), cette lettre contient de plus une ligne que voici :

    « P. S. Pardon, monsieur, si je n’ai pas écrit de ma main. »

  3. Correspondance complète de la marquise du Deffant, publiée par M.  de Lescure. Paris, Pion, 1865.