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circonspects, pleins de ménagements, comme s’ils avaient leur fortune à faire. Fontenelle, par exemple, n’aurait pas dit son avis, à l’âge de quatre-vingt-dix ans, sur les feuilles de Fréron. Ceux qui voudront de ces vieillards-là peuvent s’adresser à d’autres qu’à moi.

Eh bien ! madame, ai-je répondu à tous les articles de votre lettre ? Suis-je un homme qui ne lise pas ce qu’on lui écrit ? Suis-je un homme qui écrive à contre-cœur ? et aurez-vous d’autres reproches à me faire que celui de vous ennuyer par mon énorme bavarderie ?

Quand vous voudrez, je vous enverrai un chant[1] de la Pucelle, qu’on a retrouvé dans la bibliothèque d’un savant. Ce chant n’est pas fait, je l’avoue, pour être lu à la cour par l’abbé Grizel ; mais il pourrait édifier des personnes tolérantes.

À propos, madame, si vous vous imaginez que la Pucelle soit une pure plaisanterie, vous avez raison. C’est trop de vingt chants ; mais il y a continuellement du merveilleux, de la poésie, de l’intérêt, de la naïveté surtout. Vingt chants ne suffisent pas. L’Arioste, qui en a quarante-huit, est mon Dieu. Tous les poëmes m’ennuient, hors le sien. Je ne l’aimais pas assez dans ma jeunesse ; je ne savais pas assez l’italien. Le Pentateuque et l’Arioste font aujourd’hui le charme de ma vie. Mais, madame, si jamais je fais un tour à Paris, je vous préférerai au Pentateuque.

Adieu, madame ; il faut jouer avec la vie jusqu’au dernier moment, et jusqu’au dernier moment je vous serai attaché avec le respect le plus tendre.


4420. — À M. THIERIOT.
15 janvier.

Reçu une feuille du Censeur hebdomadaire[2], et l’Histoire de la Nièce d’Eschyle[3]. Je voudrais voir de quel poison se sert l’ami Frelon pour noircir le zèle, l’Ode et les soins de M. Le Brun. Comment sait-il que L’Écluse est venu dans notre maison ? et que peut-il dire de ce L’Écluse ? Il finira par s’attirer de méchantes affaires. Vous ne pouvez avoir encore le chant de la Capilotade. Il faut bien constater l’aventure de Grizel avant de le fourrer là.

  1. Le chant XVIII.
  2. Chaumeix éiait un des rédacteurs de ce journal.
  3. La petite Nièce d’Eschyle, histoire athénienne, traduite d’un manuscrit grec ; 1764, in-8°. — Cette petite brochure est attribuée par Barbier au chevalier Neufville-Montador.