Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/199

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donné des coups de bâton à son fils, ses querelles continuelles, son ivrognerie qui est publique, ne sont-elles pas des présomptions frappantes qu’il n’était venu chez la dame Burdet que dans le dessein qu’il a exécuté ? Une irruption faite pendant la nuit, avec des hommes armés, dans une maison paisible, peut-elle être regardée comme une rixe ordinaire ? Un laïque en pareil cas ne serait-il pas dès longtemps dans les fers ? Cependant ce prêtre, aussi artificieux que violent, soulève le clergé en sa faveur. L’évêque de Genève[1] soutient que c’est à lui seul de le juger ; qu’il n’est pas permis aux juges séculiers de connaître des délits des prêtres, et qu’il n’est coupable que d’un zèle un peu inconsidéré. On intimide le pauvre Decroze ; on emploie le profane et le sacré pour lui fermer la bouche ; et enfin le jésuite Fessy a porté l’abus de son ministère jusqu’à refuser l’absolution à la sœur de l’assassiné, jusqu’à ce qu’elle portât son père et son frère à se désister de leurs justes poursuites. Ce malheureux curé du village de Moëns, s’imaginant très-faussement que c’était moi seul qui encourageais un père malheureux à demander vengeance du sang de son fils, a porté les habitants de son village à me couper la communication des eaux, et m’a fait proposer de me donner le double des eaux qu’on voulait m’ôter si je pouvais obtenir de Decroze un désistement. L’évêque m’a mandé, en propres termes, que pour quelques gouttes de sang il ne fallait pas faire tant de vacarme.

Voilà l’état où sont les choses ; et sans la justice du parlement de Bourgogne, tout le pauvre petit pays de Gex serait dans le plus déplorable bouleversement.

J’ai l’honneur d’être avec beaucoup de respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voilà ce que j’écris à des magistrats du parlement. Je conjure M.  le président de Ruffey de parler à M.  de La Marche, au premier président de la Tournelle, et de protéger les infortunés opprimés.


4447. — À M.  LE BRUN.
2 février.

J’ai l’honneur, monsieur, de vous écrire encore au sujet de Mlle  Corneille ; vous ne laisserez point votre bonne œuvre impar-

  1. Biort, évêque d’Annecy, à qui est adressée la lettre 3718.