Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/220

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J’ignore aussi si M.  le duc de Richelieu est à Versailles. C’est encore un de nos hommes exacts, qui vous écrivent une lettre de huit pages, et qui vous laissent là des années entières.

Acharnement pour l’affaire du curé[1] ? non ; vivacité ? oui. Et puis, quand j’ai rendu ce service à l’Église, je fais un chant de la Pucelle.

Je n’ai point trouvé d’autre façon de répondre à tous les faquins qui m’accusent de n’être pas bon chrétien, que de leur dire que je suis meilleur chrétien qu’eux. Je fais plus, je le prouve ; mais mon christianisme ne va pas jusqu’à pardonner à Orner. Je n’ai point de fiel contre Fréron ; c’est à lui à me détester, puisque je l’ai rendu ridicule[2], et que je l’ai fait bafouer de Paris à Vienne. J’aurais voulu, il est vrai, pour mon divertissement, qu’on lui eût fait dire deux mots par le lieutenant criminel, au sujet de Mlle  Corneille ; si cela ne se peut, il faut tâcher de prendre une autre route. M.  Corneille père peut se plaindre à M.  de Saint-Florentin ; j’en écris à M.  Le Brun. Il est bon de tenter toutes les voies : car ce n’est pas assez de rendre Fréron ridicule ; l’écraser est le plaisir. J’ai quelque maltalent contre M.  de Malesherbes, qui protège les feuilles de ce monstre ; mais toutes ces belles passions s’anéantissent devant la haine cordiale que je porte à l’impudent Omer. Cependant la violence de cette juste haine peut céder à la raison ; et puisque je ne peux lui couper la main dont il a écrit son infâme réquisitoire[3], qu’on lui a dicté, je l’abandonne à sa pédanterie, à son hypocrisie, à sa méchanceté de singe, et à toute la noirceur de son noir caractère. Que le Panta-odai[4] reste un ouvrage de société entre les mains de trois ou quatre personnes ; que Mlle  Clairon n’en ait pas même d’exemplaire, et que le plus profond mépris fasse place à ma juste colère, colère d’autant plus véhémente que je l’ai couvée un an entier.

Mes anges, si j’avais cent mille hommes, je sais bien ce que je ferais ; mais comme je ne les ai pas, je communierai à Pâques, et vous m’appellerez hypocrite tant que vous voudrez. Oui, pardieu, je communierai avec Mme  Denis et Mlle  Corneille, et, si vous me fâchez, je mettrai en rimes croisées le Tantum ergo[5].

  1. Voyez tome XXIV, page 161.
  2. Par la comédie de l’Ecossaise.
  3. Contre le Précis de l’Ecclésiaste ; voyez ci-dessus, page 198.
  4. L’Èpître à Daphné, tome X.
  5. Premiers mots de l’avant-dernier verset de la prose du Saint-Sacrement, par lesquels on désigne le plus souvent cette prose.