Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

induit sert à déployer votre profonde érudition ; peu de grands-fauconniers auraient déterré les Sermones festivi, imprimés en 1502. Raillerie à part, vous faites une action digne de votre belle âme, en vous mettant pour moi à la brèche.

Vous me disiez dans votre première lettre qu’Urceus Codrus était un grand prédicateur, vous m’apprenez dans votre seconde que c’était un grand libertin, mais cependant qu’il n’était pas cordelier. Vous demandez pardon à saint François d’Assise, et à tout l’ordre séraphique, de la méprise où vous m’avez fait tomber. Je prends sur moi la pénitence ; mais il reste toujours pour véritable que les mystères représentés à l’hôtel de Bourgogne étaient beaucoup plus décents que la plupart des sermons du xvie siècle. C’est sur ce point que roule la question.

Mettons qui nous voudrons à la place d’Urceus Codrus, et nous aurons raison. Il n’y a pas un mot dans les mystères qui alarme la pudeur et la piété. Quarante associés, qui font et qui jouent des pièces saintes en français, ne peuvent s’accorder à déshonorer leurs pièces par des indécences qui révolteraient le public, et qui feraient fermer le théâtre. Mais un prédicateur ignorant, qui n’a nul usage des bienséances, peut mêler dans son sermon quelques sottises, surtout quand il les prononce en latin.

Tels étaient, par exemple, les sermons du cordelier Maillard, que vous avez sans doute dans votre riche et immense bibliothèque ; vous verrez, dans son sermon du jeudi de la seconde semaine du carême, qu’il apostrophe ainsi les femmes des avocats qui portent des habits garnis d’or[1] : « Vous dites que vous êtes vêtues suivant votre état : à tous les diables votre état et vous-mêmes, mesdemoiselles ! Vous me direz peut-être : Nos maris ne nous donnent point de si belles robes ; nous les gagnons de la peine de notre corps : à trente mille diables la peine de votre corps, mesdemoiselles ! »

Je ne vous répète que ce trait, de frère Maillard, pour ménager votre pudeur ; mais si vous voulez vous donner le soin d’en chercher de plus forts dans le même auteur, vous en trouverez de dignes d’Urceus Codrus. Frère André et Menot étaient fort fameux pour les turpitudes : la chaire, à la vérité, ne fut pas toujours souillée par des obscénités ; mais longtemps les sermons ne valurent pas mieux que les mystères de l’hôtel de Bourgogne.

Il faut avouer que les prétendus réformés de France furent

  1. Quadragésime, sermon xxv.