Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/337

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nommé Brochu, qui était décrété de prise de corps ; je sais de plus qu’il n’est nullement en droit d’exercer la charge d’official, attendu qu’il est curé. Ce n’est pas de toutes ces procédures méprisables et punissables que je suis inquiet ; mais je le suis beaucoup de savoir qu’il y a dans mes terres des malheureux assez lâches et assez ingrats pour déposer des calomnies absurdes contre leur bienfaiteur. Ils sont coupables même d’avoir comparu, car aucun séculier ne doit répondre en pareil cas à aucun juge d’église. Je vous aurais, monsieur, la plus sensible obligation si vous vouliez bien m’apprendre leurs noms ; il faut, dans une terre, connaître le caractère de ses vassaux.

Si vous voulez, monsieur, joindre à cette bonté celle de me renvoyer les plans que vous avez bien voulu permettre que je misse entre vos mains, et dont j’ai besoin pour mes ouvriers, vous me ferez un sensible plaisir. Je vous renouvelle mes remerciements et mon attachement.

J’ai l’honneur d’être dans ces sentiments, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


4577. — À M.  L’ABBÉ DELILLE[1].
À Ferney, 19 juin.

On est bien loin, monsieur, d’être inconnu, comme vous le dites, quand on a fait d’aussi beaux vers[2] que vous, et surtout quand on y répand d’aussi nobles vérités, et des sentiments si vertueux. Vous pensez en excellent citoyen, et vous vous exprimez en grand poète. Je m’intéresse d’autant plus à la gloire que vous assurez à M. Laurent que je m’avise de l’imiter en petit dans une de ses opérations. Je dessèche actuellement des marais ; mais j’avoue que je ne fais point de bras. Cependant vous avez daigné parler de moi dans votre épître à cet étonnant artiste. J’avais déjà lu votre ouvrage qui a concouru pour le prix de

  1. Jacques, fils naturel d’Antoine Montagnier, avocat, et de Marie-Hiéronyme Bérard, né le 22 juin 1738, prit le nom de Delille, et est connu sous le nom d’abbé Delille. Quoique sous-diacre et grand ennemi des idées nouvelles, il se maria, pendant la Révolution, en pays étranger, et mourut à Paris le 1er mai 1813. Sa veuve est morté à Paris en novembre 1831. (B.)
  2. Épître à M. Laurent, chevalier de l’ordre de Saint-Michel, à l’occasion du bras artificiel qu’il a fait pour un soldat invalide ; Londres (Paris, Lottin), 1761. L’abbé Delille y dit :

    Voltaire, tour à tour sublime et gracieux,
    Peut chanter les héros, les belle, et les dieux.