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4732. — DE MADAME DENIS À M. DE RUFFEY[1].
Ferney, 4 novembre.

Si mon oncle pouvait soupçonner, monsieur, que j’eusse payé trente pistoles à son insu au président de Brosses, je ne doute pas qu’il n’en eût été offensé. Non-seulement je n’ai pas voulu le risquer, mais je lui ai montré votre lettre ; il sont le motif qui vous l’a fait écrire, et en est aussi reconnaissant que moi.

Mais ce n’est point mon oncle qui fait un procès au président de Brosses, c’est le président qui lui fait ce procès pour douze moules de bois. Je n’entre point ici dans le fond de l’affaire. Je sais seulement que mon oncle, après avoir été assigné, lui a offert de ne point plaider et de prendre pour arbitres monsieur le premier président, monsieur le procureur général et M. Le Bault, conseiller : ce que le président de Brosses a refusé. Il me semble cependant que des arbitres de cette importance méritaient bien la confiance de M. le président de Brosses, pour une affaire de 20 ou 30 pistoles. Mon oncle lui dit : Si vous avez vendu votre bois avant la signature du contrat de l’acquisition de Tournay, montrez-moi cet acte de vente, et je vous paye celui que j’ai pris. S’il n’y a point d’acte de vente, tout le bois de la forêt m’appartient du jour que j’ai acquis, par les conventions du contrat. Que peut-on répondre à cela ? Je l’ignore. Je déteste les procès, et je souhaiterais fort que le président de Brosses fût plus traitable. Tout le monde ne pense pas comme vous, monsieur, et personne n’a l’honneur de vous être plus inviolablement attaché que votre très-humble et très-obéissante servante.


Denis.

Permettez-moi de faire mille tendres compliments à Mme  la présidente de Ruffey.


(P. S. de la main de Voltaire.)

J’ajoute mes remerciements à ceux de Mme  Denis. Je ne crains point les Fétiches. Et les Fétiches doivent me craindre. Il est clair que le Fétiche en question a fait une vente simulée. Et un magistrat m’a dit qu’un homme coupable de cette infamie ne resterait pas dans le corps dont est ce magistrat. Je ne présume pas que le parlement de Dijon pense autrement.

Y a-t-il rien de plus simple que mon procédé ? Si vous avez fait une vente réelle, je paye ; si vous avez fait une vente simulée, soyez couvert d’opprobres. V.

Adieu, monsieur. Votre belle âme doit être indignée, la mienne est à vous pour jamais.

N. B. Il n’y a qu’une voix sur le Fétiche.

  1. Éditeur, Th. Foisset.