Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/570

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parce que je sentais que je ne pouvais y acquérir la réputation que mon âme ambitionnait, ni y faire le bien de ma patrie. J’étais trop sensible aux maux publics, quand le public avait droit de m’en demander la guérison ; mes devoirs faisaient la mesure de ma sensibilité. Plus ils ont été multipliés, moins j’ai été heureux. Aujourd’hui, rien ne m’agite, parce que mes obligations sont plus aisées à remplir.

Adieu, mon cher confrère, je vous souhaite les bonnes fêtes et la bonne année. Envoyez-moi les Anes et les Chevaux, s’il est convenable de me les envoyer.


4784. — À M. TRONCHIN, DE LYON[1].
23 décembre.

M. le cardinal de Bernis et monsieur l’archevêque de Lyon ne dépensent pas par année autant que j’ai dépensé, depuis que j’ai choisi ce riche pays de Gex pour ma retraite. Il est vrai qu’on ne bâtit pas des châteaux, des églises et des théâtres pour rien. Je prévois que je resterai avec mes rentes et environ cent mille francs. Mais aussi, quand je serai réduit là, je ne toucherai certainement point au magot. Il faut ne pas mourir tout juste et laisser quelque chose aux siens. Il y aura du moins terres, meubles et le magot. Je laisserai beaucoup plus que je n’ai reçu, et de plus nous aurons vécu gaiement et splendidement.

Je vais faire un arrangement de finance avec Mme Denis au moyen duquel tout sera en règle, et je saurai à quoi m’en tenir par année. Je prends la liberté d’entrer avec vous dans ce petit détail ; j’y suis autorisé par l’intérêt que vous daignez prendre à notre petite colonie.

Je vous embrasse de tout mon cœur.


4785. — À MADAME LA MARQUISE DE BOUFFLERS[2].
Aux Délices, par Genève, 24 décembre.

Vous m’avez permis, madame, d’avoir l’honneur de vous écrire quelquefois. Je profite de cette liberté pour vous dire que, le roi ayant daigné souscrire pour la valeur de deux cents exemplaires de la nouvelle édition de Corneille, l’empereur pour cent, l’impératrice pour cent, l’impératrice de Russie pour deux cents. Sa Majesté le roi de Pologne a souscrit pour un[3]. Nous allons

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. On lit à la marge de la lettre : « M. de Voltaire a été trompé ; car le roi de