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ANNÉE 1768.
7309. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
14 août 1768.

Ah ! j’ai un thème pour vous écrire : j’ai entre mes mains la copie de votre lettre à M. Walpole[2]. C’est un chef-d’œuvre de goût, de bon sens, d’esprit, d’éloquence, de politesse, etc., etc. Je ne suis pas étonnée des révolutions que vous faites dans tous les esprits. Je ne vous parlerai plus de La Bletterie, j’aurais voulu que vous n’en eussiez pas parlé. Quel mal peut-il vous faire ?

Né ministre du Dieu qu’en ce temple on adore,


vous en êtes quitte à bon marché. Ah ! qu’il vous serait aise de mépriser vos critiques ! qui est-ce qui les écoute ?

Je suis au comble de ma joie ; je viens de recevoir, pour bouquet de ma fête, les sept premiers volumes de votre dernière édition ; je m’en suis fait lire les tables. Tous vos ouvrages seront-ils compris dans la suite ? Je ne veux que cette seule lecture et le Journal encyclopédique, pour avoir connaissance des autres livres, bien déterminée a n’en lire aucun entièrement. C’est Mme de Luxembourg qui m’a fait ce beau présent : je ne vois, je n’aime que ceux qui vous admirent. M. de Walpole est bien converti : il faut lui pardonner ses erreurs passées. L’orgueil national est grand dans les Anglais ; ils ont de la peine à nous accorder la supériorité dans les choses de goût, tandis que sans vous nous reconnaîtrions en eux toute supériorité dans les choses de raisonnement.

Faites usage, je vous supplie, du consentement de Mme la duchesse de Choiseul ; envoyez-moi, sous son enveloppe, tout ce que vous aurez de nouveau. Il n’y a que vous qui me tiriez de l’ennui ; vous me plaignez sans cesse. Je vous dirai comme Hylas, dans Issé :

C’est une cruauté de plaindre
Des maux que l’on peut soulager.

Adieu, mon ancien ami, vous êtes ingrat si vous ne m’aimez pas.

7310. — À M. HENNIN.
À Ferney, 15 auguste.

À propos, monsieur, on dit que vous avez été dîner au château d’Annemasse. Est-ce que vous voulez l’acheter ? Vous me feriez plaisir. Mais n’auriez-vous pas vu là un M. de Foncet, un

  1. Correspondance complète, édition Lescure. 1865.
  2. Voyez l’édition in-4° des Œuvres du lord Orford, tome V, page 632.