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CORRESPONDANCE

bontés auxquelles vous m’avez accoutumé pendant plus de quarante années.

Notre doyen[1] de l’Académie française va mourir, s’il n’est déjà mort. J’espère que le nouveau doyen sera plus alerte que lui, quand il aura quatre-vingt-cinq ans comme le sous-doyen.

Agréez, monseigneur, mon respect, mon dévouement inviolable, et mes souhaits ardents pour votre conservation comme pour vos plaisirs.

7344. — À M. LE PRÉSIDENT HÉNAULT.
Ferney, 28 septembre.

Mon cher et illustre confrère, j’ai reçu vos deux lettres, dont l’une rectifie l’autre. Vivez et portez-vous bien. Le cardinal de Fleury avait, à votre âge, une tête capable d’affaires ; Huet, Fontenelle, ont écrit à quatre-vingts ans. Il y a de très-beaux soleils couchants ; mais couchez-vous très-tard.

Laissons là l’éloquent Bossuet et son Histoire prétendue universelle, où il rapporte tout aux Juifs, où les Perses, les Égyptiens, les Grecs, et les Romains, sont subordonnés aux Juifs, où ils n’agissent que pour les Juifs. On en rit aujourd’hui ; mais ce n’est pas des Juifs dont il est question ici, c’est de vous. J’avais déjà prévenu plusieurs de mes amis, qui m’ont pressé de leur faire parvenir cet Examen de l’Histoire d’Henri IV, duquel il y a déjà trois éditions. Je l’ai envoyé chargé de mes notes[2], dans lesquelles je fais voir qu’il y a presque autant d’erreurs dans l’examen que dans le livre examiné. L’erreur que j’ai le plus relevée est celle où il tombe à votre égard. Vous connaissez mon amitié et mon estime également constantes. Vous pensez bien que je n’ai pas vu de sang-froid une telle injustice. J’avais même préparé une dissertation pour être envoyée à tous les journaux ; mais j’ai été arrêté par l’assurance qu’on m’a donnée que c’est un marquis de Belloste[3] qui est l’auteur de l’ouvrage. On dit qu’en effet il y a un homme de ce nom en Languedoc. Je ne

  1. Voltaire veut parler de d’Olivet ; mais cet abbé n’était pas le doyen de l’Académie. Ce titre appartenait à Richelieu.
  2. J’ai vu cet exemplaire. Les notes sont de la main de Wagnière. Presque toutes sont imprimées dans le tome II de l’Évangile du jour. (B.)
  3. C’était Hennin qui avait donné ce nom (lettre 7342), au lieu de Belestat voyez lettre 7360, et aussi la lettre 7447 adressée à Belestat, qui avait été le prête-nom de La Beaumelle.