Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
CORRESPONDANCE

préfèrent leur pauvreté et leur anarchie à un gouvernement juste et modéré qui les enrichirait.

Vous voyez sans doute souvent M. le marquis de Chauvelin[1]. Je respecte trop ses occupations pour lui écrire ; mais je vous supplie d’avoir la bonté de lui dire que je m’intéresse à son succès plus qu’à celui d’une pièce de théâtre. Mon avis est que les Corses viennent lui parler, et ils seront bientôt soumis. J’aimerais mieux ; qu’il réussit en les persuadant qu’en les tuant : car, après tout, si on les égorge tous tant qu’ils sont, qui diable voudra habiter l’île ? Je ne connais que des boucs et des chèvres qui voulussent s’y établir. J’ai un bon ami parmi ceux qui s’exposent tous les jours à être canardés par les Corses, c’est le major du régiment d’Eppingen, homme de beaucoup d’esprit et excellent officier. Mais de tous ceux qui font cette rude campagne, celui à qui je suis le plus dévoué, et qui a pour moi le plus de bonté, c’est vous sans contredit.

J’ai l’honneur d’être, avec les plus respectueux sentiments, monsieur, votre très-humble, etc.

7363. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
19 octobre.

Il faut amuser ses anges tant qu’on peut, c’est mon avis. Sur ce principe, j’ai l’honneur de leur envoyer ce petit chiffon[2] qui m’est tombé par hasard entre les mains.

Mais de quoi s’est avisé M. Jacob Tronchin de dire à M. Damilaville que j’avais fait une tragédie ? Certainement je ne lui en ai jamais fait la confidence, non plus qu’au duc et au marquis Cramer. Si vous voyez Jacob, je vous prie de laver la tête à Jacob. L’idée seule que je peux faire une tragédie suffirait pour tout gâter. Je vais, de mon côté, laver la tête à Jacob[3].

Mais pourquoi n’avez-vous pas conservé une copie des Guèbres ? Je suis si indulgent, si tolérant, que je crois que ces Guèbres pourraient être joués ; mais la volonté de Dieu soit faite !

Je pense[4] qu’il était nécessaire que j’écrivisse au président sur le beau portrait qu’on a fait de lui : on disait trop que j’étais le peintre.

  1. Également en Corse.
  2. Peut-être les Trois Empereurs en Sorbonne ; voyez tome X.
  3. La lettre à Tronchin manque.
  4. Voyez la lettre 7331.