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CORRESPONDANCE

Lorsqu’on joua, depuis, cette pièce à Paris, ce croquant était à la première représentation. Il fut reconnu dès les premières lignes ; on ne cessa de battre des mains, de le huer, et de le bafouer ; et tout le public, à la fin de la pièce, le reconduisit hors de la salle avec des éclats de rire. Il a eu l’avantage d’être joué et berné sur tous les théâtres de l’Europe, depuis Pétersbourg jusqu’à Bruxelles. Il est bon de nettoyer quelquefois le temple des Muses de ses araignées. Il me paraît que vous avez aussi vos Frérons à Londres, mais ils ne sont pas si plats que le nôtre. Au temps du Colloque de Poissy, un bon catholique écrivait à un bon protestant : « Monsieur, les choses sont entièrement égales des deux côtés : il est vrai que votre savant est bien plus savant que notre savant, mais, en récompense, notre ignorant est bien plus ignorant que votre ignorant. »

Continuez, monsieur, à enrichir le public de vos très-agréables ouvrages. J’ai l’honneur d’être, avec toute l’estime que vous méritez, etc.

7392. — À M. L’ABBÉ AUDRA[1].
Le 14 novembre.

Votre souvenir m’enchante, monsieur ; votre lettre du 2 novembre m’a fait oublier ma vieillesse et ma maladie. On a dépêché sur-le-champ, selon vos ordres, un assez gros paquet à M. Audra de Maljulien ; il a été adressé à M. Tabareau, qui sans doute le lui fera remettre. Vous ne doutez pas de la promptitude avec laquelle j’aime à obéir à vos ordres. Je suis persuadé que vous aurez bonne part à la conversion des esprits toulousains. Vous êtes un bon missionnaire ; vous avez développé dans eux le germe de raison que l’on avait voulu étouffer trop longtemps.

Je vous supplie, monsieur, de me rendre un petit service dans le pays où vous êtes. Il y a quelques mois que j’ai reçu plusieurs lettres signées le marquis de Belestat. Ces lettres me semblaient être d’un homme qui me demandait des avis sur ses ouvrages, et, entre autres, sur un Éloge de Clémence Isaure. On m’a averti depuis ce temps qu’il n’y a point de jeune marquis de Belestat, et qu’on a pris ce nom pour m’en imposer. Il demeurait, disait-il, tantôt à Montpellier, tantôt a Toulouse, et tantôt dans ses terres. Il est très-intéressant pour moi, et pour des personnes assurément plus considérables, qu’on soit informé s’il y a en effet un jeune marquis de Belestat en Languedoc.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — Voyez la note 1, page 235.