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CORRESPONDANCE.

la bonne doctrine. Ils la disséminent avec circonspection et sagesse, et j’espère que dans quelques années elle fera une grande explosion. Quant au parlement et à l’ordre des avocats, presque tous ceux qui sont au-dessous de l’âge de trente-cinq ans sont pleins de zèle et de lumières, et il ne manque pas de gens instruits parmi les personnes de condition. »

Par une autre lettre, on me mande que le parlement regarde aujourd’hui la mort de Calas comme un crime qu’il doit expier, et que Sirven ne risquerait rien à venir purger sa contumace à Toulouse, il me semble, mon cher ange, que c’était votre avis. Si je peux compter sur ce qu’on m’écrit, certainement j’enverrai Sirven se justifier et rentrer dans son bien.

Je suis tous les jours témoin du mal que l’intolérance de Louis XIV, ou plutôt de ses confesseurs, a fait à la France. Le gain que vous ferez en prenant la Corse ne compensera pas vos pertes.

Il est bon que la persécution soit décriée jusque dans le tripot de la Comédie ; mais malheureusement les assassins du chevalier de La Barre n’entendront jamais ni Lekain, ni Mlle Vestris.

Vous ne m’avez point instruit du nom des dames qui doivent passer avant la Fille du Jardinier[1]. Je crois que ce sont de hautes et puissantes dames à qui il faut faire tous les honneurs. Je ne vous dissimule pas que j’ai grande envie que la Jardinière soit bien reçue à son tour. N’avez-vous point quelque ami qui pût engager le lieutenant de police à lui accorder la permission de vendre des bouquets ? Il me semble qu’à présent l’odeur de ses fleurs n’est pas trop forte et ne doit pas monter au nez d’un magistrat. Quelque chose qui arrive, songez que je vous suis plus attaché qu’à ma Jardinière.

Mille tendres respects aux deux anges.

7464. — À M. GAILLARD.
À Ferney, 23 janvier.

Vous me demandez pardon bien mal à propos, mon grand historien ; et moi, je vous remercie très à propos. Je suis étonné qu’il n’y ait pas encore plus de fautes grossières dans l’édition du Siècle de Louis XIV. Je suis enterré depuis trois ans dans mon tombeau de Ferney, sans en être sorti. Cramer, qui a imprimé

  1. La tragédie des Guèbres.