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ANNÉE 1768.

votre grand’maman a ses ports francs, et s’il faut lui adresser les paquets sous l’enveloppe de son mari.

Je vous prie instamment, madame, de me mander des nouvelles de la santé du président ; je l’aimerai jusqu’au dernier moment de ma vie. Est-ce que son âme voudrait partir avant son corps ? Quand je dis âme, c’est pour me conformer à l’usage : car nous ne sommes peut-être que des machines qui pensons avec la tête comme nous marchons avec les pieds. Nous ne marchons point quand nous avons la goutte, nous ne pensons point quand la moelle du cerveau est malade.

Vous souciez-vous, madame, d’un petit ouvrage nouveau dans lequel on se moque, avec discrétion, de plusieurs systèmes de philosophie ? Cela est intitulé les Singularités de la nature. Il n’y a d’un peu plaisant, à mon gré, qu’un chapitre sur un bateau de l’invention du maréchal de Saxe, et l’histoire d’une Anglaise qui accouchait tous les huit jours d’un lapin. Les autres ridicules sont d’un ton plus sérieux. Vous êtes très-naturelle, mais je soupçonne que vous n’aimez pas trop l’histoire naturelle.

Cependant cette histoire là vaut bien celle de France, et l’on nous a souvent trompés sur l’une et sur l’autre. Quoi qu’il en soit, si vous voulez ce petit livre, j’en enverrai deux exemplaires à votre grand’maman dès que vous me l’aurez ordonné.

Adieu, madame ; je suis à vos pieds. Je vous prie de dire a M. le président Hénault combien je m’intéresse à sa santé.

7473. — À M. LE PRÉSIDENT DE RUFFEY.
Ferney, 4 février.

Mon cher président, les marques de votre souvenir me sont toujours bien chères. Ne viendrai-je donc jamais vous en remercier à Dijon ? Ne verrai-je point cette Académie dont je vous regarde comme le fondateur ? Il y a quinze ans que j’habite la campagne : il faudra bien qu’enfin j’aille vous embrasser à la ville, et que je vous remercie, vous et M. Le Gouz, de l’adoucissement qu’il a mis aux prétentions de votre confrère le président de Brosses, qui faisait tant de cas de mes meubles, et qui, par mégarde et sans y penser, avait mis dans son contrat que tout lui appartiendrait et qu’il dépouillerait mes héritiers[1].

  1. Cette dernière phrase, depuis votre confrère, a été omise dans la première impression de cette lettre, qui fait partie des Lettres inédites publiées par C.-N. Girault, Dijon, 1819 in-8°. Elle a été restituée par M. Foisset.