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CORRESPONDANCE.

charge de vos paquets ; on lui donnera la permission de les lire, pourvu qu’elle vous les envoie bien honnêtement.

Je vous embrasse, vous et M. de Florian, de tout mon cœur.

7490. — À M. LE COMTE DE WARGEMONT[1].
1er mars.

Une maladie épidémique a régné si longtemps dans mon pays barbare, celui[2] qui écrit d’ordinaire pour moi a été si longtemps malade et moi aussi, j’ai été enfin dans un état si triste, que je ne sais plus si j’ai répondu à la lettre dont vous m’honorâtes, il y a environ un mois. Si je ne me suis pas acquitté de ce devoir, je vous en demande pardon, quoique je n’aie pas tort. Si je l’ai rempli, cette lettre-ci ne sera qu’un duplicata de mes sentiments pour vous et de ma reconnaissance.

J’ai trouvé toute ma façon de penser et de voir les choses dans ce que vous avez eu la bonté de m’écrire. Cela m’a donné une confiance extrême. Voici bientôt le temps où vous partirez pour la Corse. Je vous y souhaite tous les succès que votre valeur et votre prudence méritent.

Il y a quelque apparence que les troubles de Pologne et la guerre des Turcs dureront plus que la petite guerre des Corses. Je ne sais guère que des nouvelles de l’Orient et du Nord. Moustapha s’étant fait apporter des lettres qui n’étaient pas écrites en turc, et qu’on avait interceptées, fit venir ses drogmans pour les traduire. Ces lettres étaient en chiffres ; les interprètes répondirent qu’ils ne pouvaient pas faire leur traduction. Moustapha les menaça de les faire étrangler. Le vizir ayant demandé grâce pour eux, il lui dit qu’il était un fou et qu’il le déposait. Les provisions de la place données au successeur portent que son devancier a été déposé parce qu’il était fou, et que Sa Hautesse ordonnait au présent vizir d’aller sur-le-champ châtier les Russes pour n’avoir pas obéi aux ordres exprès que lui, Moustapha, leur avait donnés de vider sans délai la Podolie. Il faut avouer qu’on ne peut avoir ni plus d’esprit, ni plus de modestie que Moustapha.

Vous savez que l’électeur palatin a envoyé trois mille de ses soldats prendre les eaux à Aix-la-Chapelle. Le pauvre malade n’en sait pas davantage, et sûrement il n’ira point se baigner à Aix-la-Chapelle, cette année.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Wagnière.