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ANNÉE 1769.

Chapelle et Chaulieu, l’ont écrit ;
L’antiquité, leur devancière,
Mille fois nous en avertit ;
La Sorbonne dit le contraire :
À ces messieurs rien, n’est voilé ;
Et quand la Sorbonne a parlé,
Les beaux esprits doivent se taire.

Dites, je vous en conjure, au délabré président combien je m’intéresse à son âme aimable. La mienne prend la liberté d’embrasser la vôtre. Adieu, madame ; vivons comme nous pourrons.

7521. — À M. DE SAINT-LAMBERT.
4 avril.

De la coquetterie ! non, pardieu ! mon cher confrère ou mon cher successeur ; ma franchise Suissesse n’a ni rouge ni mouches.

Quand je vous dis que votre ouvrage[1] est le meilleur qu’on ait fait depuis cinquante ans, je vous dis vrai. Quelques personnes vous reprochent un peu trop de flots d’azur, quelques répétitions, quelques longueurs, et souhaiteraient, dans les premiers chants, des épisodes plus frappants.

Je ne peux ici entrer dans aucun détail, parce que votre ouvrage court tout Genève, et qu’on ne le rend point ; mais soyez très-certain que c’est le seul de notre siècle qui passera à la postérité, parce que le fond en est utile, parce que tout y est vrai, parce qu’il brille presque partout d’une poésie charmante, parce qu’il y a une imagination toujours renaissante dans l’expression. Je déteste le fatras et le petit, et tout ce que je vois ailleurs est petit et fatras.

Qui diable vous a donné la Canonisation de saint Cucufin[2] ? Il faut que ce soit quelque capucin. On pourra bientôt me canoniser aussi, car, depuis un mois, je ne vis que de jaunes d’œufs comme saint Cucufin. J’ai eu douze accès de fièvre ; j’ai reçu bravement le viatique, en dépit de l’envie. J’ai déclaré expressément que je mourais dans la religion du roi très-chrétien et de la France ma patrie, as it is established by act of parliament. Cela est fier et honnête[3].

  1. Le poëme des Saisons.
  2. Voyez cette pièce, tome XXVII, page 419.
  3. Voltaire étant malade, dans le temps de Pâques, fit avertir le curé de