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ANNÉE 1769.
7526. — À M. SEDAINE.
Au château de Ferney, 11 avril.

Je vous ai plus d’obligations que vous ne croyez, monsieur. J’étais très-malade lorsque j’ai reçu les deux pièces[1] que vous avez bien voulu m’envoyer ; elles m’ont fait oublier tous mes maux. Je ne connais personne qui entende le théâtre mieux que vous, et qui fasse parler ses acteurs avec plus de naturel. C’est un grand art que celui de rendre les hommes heureux pendant deux heures : car, n’en déplaise à messieurs de Port-Royal, c’est être heureux que d’avoir du plaisir ; vous devez aussi en avoir beaucoup en faisant de si jolies choses. Je suis bien fâché de n’applaudir que de si loin à vos succès.

J’ai l’honneur d’être avec toute l’estime que vous méritez, monsieur, votre, etc.

7527. — À M. L’ABBÉ AUDRA[2].
13 avril.

Depuis votre dernière lettre, mon cher philosophe, j’ai été sur le point de finir ma carrière ; mais la nature me permet encore de faire quelques pas. Vous devez à présent avoir vu votre protégé Sirven ; vous voilà chargé d’engager le parlement de Toulouse à faire une bonne action. Vous avez commencé, vous achèverez.

Je présente très-discrètement ma sincère et respectueuse reconnaissance au magistrat compatissant qui veut bien prendre en main la cause d’une famille si innocente et si malheureuse. Il est véritablement philosophe, puisqu’il veut faire le bien et qu’il est votre ami.

Sirven ne m’a point écrit, et il a tort, à moins que ce ne soit sa circonspection qui l’ait retenu. J’attends tout pour lui de vos bontés. Il m’a bien promis qu’il ne ferait aucune démarche que par vos ordres. Vous devriez bien m’envoyer les noms des conseillers au parlement qui se piquent d’être citoyens et point du tout papistes. Quand vous aurez mandé au bon vieillard Siméon que vous avez remporté la victoire pour Sirven, mon âme partira en paix.

  1. La Gageure imprévue et le Philosophe sans le savoir.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.