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ANNÉE 1769.

Je proposai la chose à sa mère, et je n’eus pas de peine à l’y faire consentir. Ce jeune homme s’appelle Galatin ; il est de la plus aimable et de la plus belle figure ; sa mémoire est prodigieuse ; son esprit est digne de sa mémoire, et il a toute la modestie convenable à ses talents. Si Votre Majesté daigne le protéger, il partira incessamment pour Riga, après avoir commencé à suivre votre exemple en se faisant inoculer. Je suis fâché de n’offrir à Voire Majesté qu’un sujet ; mais je réponds bien que celui-là en vaudra plusieurs autres.

Oserai-je prendre la liberté de demander à Votre Majesté à qui il faudra que je l’adresse à Riga ? Sa mère ne peut payer pour lui qu’une pension modique. J’ose me flatter qu’il n’aura pas été un an à Riga sans être en état de venir saluer Votre Majesté en russe et en allemand. Qu’est devenu le temps où je n’avais que soixante ans ? Je l’aurais accompagné.

Si Votre Majesté va s’établir à Constantinople, comme je l’espère, il apprendra bien vite le grec : car il faut absolument chasser d’Europe la langue turque, ainsi que tous ceux qui la parlent. Enfin, madame, au nom de toutes vos bontés pour moi, j’ose vous implorer pour le jeune Galatin, et je puis répondre qu’il méritera toute votre protection.

J’attends les ordres de Votre Majesté impériale.

7532. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
15 avril 1769.

Hâtez-vous, hâtez-vous, monsieur, de me rendre raison de la nouvelle qu’on débite, et qui a fait tomber tous les autres sujets de conversation. M. de Voltaire, dit-on, a communié en présence de témoins, et il en a fait passer un acte par-devant notaire. Le fait est-il vrai ? À quoi cet acte vous servira-t-il ? Sera-ce devant les tribunaux de la justice humaine ou de la justice divine ? Le produirez-vous en Sorbonne, au parlement, ou à la vallée de Josaphat ? Sont-ce les billets de confession qui vous ont fait naître cette idée ? Que voulez-vous que vos amis pensent ? doivent-ils garder leur sérieux ? peuvent-ils se laisser aller à l’envie de rire ? Pourquoi ne les avez-vous pas avertis ? Pourquoi ne leur avez-vous pas dicté leur rôle ? Ce trait est si nouveau, si ineffable, que je ne puis comprendre quel a été votre dessein.

Je me sais mauvais pré de me détourner, par cette curiosité, de vous parler de ce qui m’intéresse bien davantage, de votre charmante lettre. Vous nous faites passer des moments bien agréables. La grand’maman ne

  1. Correspondance complète, édition de Lescure, 1865.