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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/364

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CORRESPONDANCE.

aimeront mieux votre prose que la poésie de cet Anglais, moitié prêtre et moitié poète[1].

J’ai l’honneur d’être, avec toute l’estime et la reconnaissance que je vous dois, monsieur, votre, etc.

Voltaire.
7571. — À M. LE CARDINAL DE BERNIS.
À Ferney, 12 juin.

Viva il cardinale Bembo e la poesia !


J’ai lu, je ne sais où, que le cardinal Bembo était d’une très-ancienne maison, et que, de plus, il était fort aimable ; mais que c’était la poesia qui avait commencé à le faire connaître, et que, sans les belles-lettres, il n’aurait pas fait une grande fortune. Il était véritablement très-bon poëte, car


Scribendi recte sapere est et principium et fons.

(Hor., de Art. poet., v. 309.)

Votre Éminence sait-elle que votre correspondant, M. le duc de Choiseul, est aussi notre confrère ? Il y a quelques années qu’étant piqué au jeu sur une affaire fort extraordinaire, il m’envoya une vingtaine de stances de sa façon[2], qu’il fit en moins de deux jours. Elles étaient nobles, elles étaient fières. Il y en avait de très-agréables ; l’ouvrage en tout était fort singulier. Je vous confie cela comme à un archevêque, sous le secret de la confession.

Je ne crois pas que Clément XIV soit un Bembo ; mais, puisque vous l’avez choisi, il mérite sûrement la petite place que vous lui avez donnée. Or, monseigneur, comme dans les petites places on peut faire de petites grâces, il peut m’en faire une, et

  1. Dans la Poétique anglaise, par Hennet, tome II, page 336, il est dit que Voltaire, « se trouvant un jour dans une société de littérateurs, critiquait vivement l’allégorie de Milton sur le péché et la mort dans le Paradis perdu : Young fit sur-le-champ ces deux vers, qu’il eut cependant l’honnêteté de ne pas lui montrer :

    You are so witty, so proflgate and thin,
    At once we think you Milton, death, and sin.

    « Vous êtes si spirituel, si licencieux et si maigre, que nous vous croyons à la fois Milton, le péché et la mort). » (B.)

  2. Voltaire savait bien que l’ode contre le roi de Prusse, dont Choiseul se disait l’auteur, était d’un autre. (B.) — Voyez tome XL. page 419.