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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/444

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CORRESPONDANCE.

Je vois, madame, que je ne pourrai faire ma cour à Votre Majesté cette année dans les États de Moustapha, le digne allié du pape. Il faut que je remette mon voyage à l’année prochaine. J’aurai, à la vérité, soixante-dix-sept ans, et je n’ai pas la vigueur d’un Turc ; mais je ne vois pas ce qui pourrait m’empêcher de venir dans les beaux jours saluer l’étoile du Nord et maudire le Croissant. Notre Mme Geoffrin a bien fait le voyage de Varsovie, pourquoi n’entreprendrais-je pas celui de Pétersbourg au mois d’avril ? J’arriverais en juin, je m’en retournerais en septembre ; et si je mourais en chemin, je ferais mettre sur mon petit tombeau : Ci-gît l’admirateur[1] de l’auguste Catherine, qui a eu l’honneur de mourir en allant lui présenter son profond respect.

Je me mets aux pieds de Votre Majesté impériale.

L’ermite de Ferney.
7654. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU[2].
Ferney, 4 septembre.

Mon héros, je suis un imbécile ; je voulais qu’elle[3] trouvât sur sa toilette ce qui est à la gloire de son amant et de son ami. On n’a pas le temps de lire dans le pays où vous êtes, et j’avais mis le doigt sur les endroits qu’on doit lire avec plaisir.

La lettre dont mon héros m’honore, du 20 auguste (que les Welches appellent barbarement août), a été croisée par celle de son vieux serviteur, qui lui demandait les Scythes très-humblement et très-instamment, au lieu de Mérope et après Mérope.

Je vous remercie de tout mon cœur, monseigneur, de vos bontés pour la Princesse de Navarre. La musique est charmante, et, en vérité, il y a quelquefois d’assez jolies choses dans les paroles. Je n’aurais pas osé vous la demander. Vous mettez, à votre ordinaire, des grâces dans vos bienfaits. Mais il faut que mon héros ait le diable au corps d’imaginer que je parle de la musique de Pandore, sans l’avoir entendue. J’en ai entendu trois actes dans mon ermitage ; Mme Denis, qui s’y connaît parfaitement, en a été très-contente. M. le duc d’Aumont, qui avait pris d’autres engagements, demandait qu’une belle dame lui forçât

  1. Voltaire avait adressé la même flatterie au prince royal de Prusse, en 1738 ; voyez tome XXIV, page 503.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. La Du Barry. Voyez la lettre à Richelieu du 31 juillet.