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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/459

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année 1769.

les prêtres de Pluton n’y vont point ; la raison gagnerait enfin sa cause, ce qui ne lui arrive pas souvent.

Je vois bien que je perdrai la mienne auprès de M. le duc d’Aumont. Il me sera impossible de refaire la scène d’Ève et du serpent, à moins que le diable en personne ne vienne m’inspirer. Je suis à présent aussi incapable de faire des vers d’opéra que de courir la poste à cheval. Il y a des temps où l’on ne peut répondre de soi. Je prends mon parti sur Pandore ; ce spectacle aurait pu être une occasion qui m’aurait fait faire un petit voyage que je désire depuis longtemps, et que vous seul, mon cher ange, me faites désirer. Quand je dis vous seul, j’entends Mme d’Argental et vous ; mais, encore une fois, je ne suis pas heureux.

Adieu, mon très-cher ange ; pardonnez à un pauvre malade si je ne vous écris pas plus au long.

7665. — À M. LE COMTE DE LA TOURAILLE.
À Ferney, le 17 septembre.

Le livre[1] dont vous me parlez, monsieur, est évidemment de deux mains différentes. Tout ce qui précède l’attentat de Damiens m’a paru vrai, et écrit d’un style assez pur ; le reste est rempli de solécismes et de faussetés. L’auteur ne sait ce qu’il dit. Il prend le président de Bésigny pour le président de Nassigny[2]. Il dit qu’on a donné des pensions à tous les juges de Damiens, et on n’en a donné qu’aux deux rapporteurs[3]. Il se trompe grossièrement sur la prétendue union de M. d’Argenson et de M. de Machault[4].

Vous aimez les lettres, monsieur, et vous êtes assez heureux pour ignorer le brigandage qui règne dans la littérature. L’abbé Desfontaines fit autrefois une édition clandestine de la Henriade, dans laquelle il inséra des vers contre l’Académie, pour me brouiller avec elle, et pour m’empêcher d’être de son corps. On a eu cette fois-ci une intention plus maligne. Ces petits procédés, qui ne sont pas rares, n’ont pas peu contribué à me faire quitter la France, et à chercher la solitude. L’amitié dont vous m’honorez me console. Je vous prie de me la conserver ; j’en

  1. Histoire du Parlement de Paris.
  2. Voyez La note 4, tome XVI, page 85.
  3. Voyez tome XVI, page 99.
  4. Voyez ibid., page 95.