trompé quand il m’a mandé que vous ordonniez qu’on jouât les Guèbres. Ordonnez ce qu’il vous plaira ; je vous serai sensiblement obligé de tout ce que vous ferez. J’ai la vanité de croire les Guèbres très-dignes de votre protection. Il n’y a qu’un fat de robin[1] qui ait dit que les Guèbres étaient dangereux ; où a-t-il pris cette impertinente idée ? craint-il qu’on ne se fasse Guèbre à Paris ? M. de Sartines est bien loin de penser comme cet animal.
Je me mets aux pieds de mon héros, et je le remercie de toutes ses bontés.
Madame, vous n’êtes plus Mme Gargantua, et je ne m’appelle plus Guillemet[2] ; je n’ai reçu votre joli et vrai soulier qu’après avoir pris la liberté de vous envoyer ma soie : j’ignore si vous avez daigné agréer ce ridicule hommage, mais je sais bien que mes jours ne seront pas filés d’or et de soie si vous persistez à soupçonner que des choses que j’abhorre soient de moi. Vous avez entendu quelquefois parler des tracasseries de cour, des petites calomnies qu’on y débite, des beaux tours qu’on joue ; soyez bien sûre que la république des lettres est précisément dans ce goût. Arlequin disait : Tutto il mondo è fatto come la nostra famiglia et Arlequin avait raison. Je ne vous fatiguerai pas des noirceurs qu’on m’a faites ; mais souvenez-vous de cet écrit dans lequel on insulta, l’année passée, le président Hénault[3], et une personne très-respectable que je ne nomme point, la même dont nous me parlez dans votre dernière lettre, la même à laquelle vous êtes si attachée, la même qui… Le style de cet ouvrage était brillant et hardi ; on me fit l’honneur de me l’imputer, et bien des gens me l’attribuent encore. Un homme de condition l’avait lu dans la séance publique d’une académie, comme s’il en était l’auteur : il en reçut les compliments, et s’en vanta a moi dans sa lettre : et, pour comble, il a été avéré qu’il n’avait d’autre part à l’ouvrage que celle de l’avoir acheté, et qu’il était très-incapable de l’écrire.