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année 1769.

trompé quand il m’a mandé que vous ordonniez qu’on jouât les Guèbres. Ordonnez ce qu’il vous plaira ; je vous serai sensiblement obligé de tout ce que vous ferez. J’ai la vanité de croire les Guèbres très-dignes de votre protection. Il n’y a qu’un fat de robin[1] qui ait dit que les Guèbres étaient dangereux ; où a-t-il pris cette impertinente idée ? craint-il qu’on ne se fasse Guèbre à Paris ? M. de Sartines est bien loin de penser comme cet animal.

Je me mets aux pieds de mon héros, et je le remercie de toutes ses bontés.



7667. — À MADAME LA DUCHESSE DE CHOISIEUL.
À Ferney, 18 septembre.

Madame, vous n’êtes plus Mme Gargantua, et je ne m’appelle plus Guillemet[2] ; je n’ai reçu votre joli et vrai soulier qu’après avoir pris la liberté de vous envoyer ma soie : j’ignore si vous avez daigné agréer ce ridicule hommage, mais je sais bien que mes jours ne seront pas filés d’or et de soie si vous persistez à soupçonner que des choses que j’abhorre soient de moi. Vous avez entendu quelquefois parler des tracasseries de cour, des petites calomnies qu’on y débite, des beaux tours qu’on joue ; soyez bien sûre que la république des lettres est précisément dans ce goût. Arlequin disait : Tutto il mondo è fatto come la nostra famiglia et Arlequin avait raison. Je ne vous fatiguerai pas des noirceurs qu’on m’a faites ; mais souvenez-vous de cet écrit dans lequel on insulta, l’année passée, le président Hénault[3], et une personne très-respectable que je ne nomme point, la même dont nous me parlez dans votre dernière lettre, la même à laquelle vous êtes si attachée, la même qui… Le style de cet ouvrage était brillant et hardi ; on me fit l’honneur de me l’imputer, et bien des gens me l’attribuent encore. Un homme de condition l’avait lu dans la séance publique d’une académie, comme s’il en était l’auteur : il en reçut les compliments, et s’en vanta a moi dans sa lettre : et, pour comble, il a été avéré qu’il n’avait d’autre part à l’ouvrage que celle de l’avoir acheté, et qu’il était très-incapable de l’écrire.

  1. Moreau ; voyez tome VI. page 484.
  2. C’est de ce nom que Voltaire a signé ses lettres à Mme de Choiseul, nos 7630 et 7637.
  3. Voyez tome XV. page 532 ; et ci-dessus, page 115.