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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/485

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année 1769.

regrette, et combien j’aurais de désir de vous embrasser encore une fois. En attendant, je vous embrasse en esprit et en âme, de toutes mes forces et de tout mon cœur.

P. S. J’espérais un peu de l’infant duc de Parme[1], attendu la bonne éducation qu’il a eue ; mais où il n’y a point d’âme, l’éducation n’a rien à faire. J’apprends que ce prince passe la journée à voir des moines, et que sa femme, Autrichienne[2] et superstitieuse, sera la maîtresse. Ô pauvre philosophie ! que deviendrez-vous ? il faut cependant tenir bon, et combattre jusqu’à la fin.


Faisons notre devoir, et laissons faire aux dieux[3].


7689. — À CATHERINE II,
impératrice de russie.
17 octobre.

Madame, le très-vieux et très-indigne chevalier de Votre Majesté impériale était accablé de mille faux bruits qui couraient et qui l’affligeaient. Voilà tout à coup la nouvelle consolante qui se répand de tous côtés que votre armée a battu complètement les esclaves de Moustapha vers le Dniester. Je renais, je rajeunis, ma législatrice est victorieuse ; celle qui établit la tolérance, et qui fait fleurir les arts, a puni les ennemis des arts : elle est victorieuse, elle jouit de toute sa gloire. Ah ! madame, cette victoire était nécessaire : les hommes ne jugent que par le succès. L’envie est confondue. On n’a rien à répondre à une bataille gagnée : des lauriers sur une tête pleine d’esprit, et d’une force de raison supérieure, font le plus bel effet du monde.

On m’a dit qu’il y avait des Français dans l’armée turque : je ne veux pas le croire. Je ne veux pas avoir à me plaindre de mes compatriotes ; cependant j’ai connu un colonel[4] qui a servi en Corse, et qui avait la rage d’aller voir des queues de cheval ; je lui en fis honte, je lui représentai combien sa rage était peu chrétienne ; je lui mis devant les yeux la supériorité du Nouveau Testament sur l’Alcoran mais surtout je lui dis que c’était un

  1. Ferdinand voyez tome XXXIX, page 381.
  2. Marie-Amélie-Josèphe-Jeanne-Antoinette, archiduchesse d’Autriche, née le 26 février 1746, mariée le 19 juillet 1769, morte en 1802.
  3. Voltaire a dit dans Rome sauvée, acte I, scène vii :
    Faisons notre devoir, les dieux feront le reste.

    Corneille, dans les Horaces, acte I, scène viii avait dit :
    Faites votre devoir, et laissez faire aux dieux.
  4. Ce colonel n’exécuta pas son projet ; voyez lettre 7711.