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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/487

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année 1769.

vois que vous pensez comme moi ; mais après tout, ce n’est qu’une bagatelle qui n’est bonne qu’à être oubliée.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, bien véritablement votre, etc.

7691. — DE CATHERINE II,
impératrice de russie.
À Pétersbourg, 7-18 octobre.

Monsieur, vous direz que je suis une importune avec mes lettres, et vous aurez raison ; mais prenez-vous-en à vous-même. Vous m’avez dit plus d’une fois que vous souhaitiez d’apprendre la défaite de Moustapha ; eh bien ! ce victorieux empereur des Turcs a perdu la Moldavie entière. Yassi est pris ; le vizir s’est enfui en grande confusion au delà du Danube. Voilà ce qu’un courrier m’annonce ce matin, et ce qui fera taire la Gazette de Paris, le Courrier d’Avignon, et le nonce, qui fait la Gazette de Pologne.

Adieu, monsieur ; portez-vous bien, et soyez persuadé que je réponds bien à l’amitié que vous me témoignez.

Catherine.
7692. — À M. LUNEAU DE BOISJERMAIN[1].
Château de Ferney, 21 octobre.

Je suis très-malade, monsieur ; je ne verrai pas longtemps les malheurs des gens de lettres.

Je ne vois pas qu’on puisse rien ajouter ni répondre au factum, de M. Linguet[2].

Il me paraît que les toiliers, les droguistes, les vergettiers, les menuisiers, les doreurs, n’ont jamais empêché un peintre de vendre son tableau, même avec sa bordure. Monsieur le doyen du parlement de Bourgogne veut bien me vendre tous les ans un peu de son bon vin, sans que les cabaretiers lui aient jamais fait de procès.

Pour les gens de lettres, c’est une autre affaire ; il faut qu’ils soient écrasés, attendu qu’ils ne font point corps, et qu’ils ne sont que des membres très-épars.

  1. M. Luneau était en procès avec les libraires, qui n’entendaient pas que les auteurs vendissent ou échangeassent leurs ouvrages. (K.)

    — Luneau de Boisjermain (Pierre-Joseph-François), né à Issoudun en 1732, est mort à Paris le 25 décembre 1801.

  2. C’est ironiquement que Voltaire parle ainsi ; voyez le quatrième alinéa de cette lettre. Le mémoire de Linguet était intitulé Précis signifié par les syndics et adjoints des libraires de Paris. Luneau, qui avait publié un premier mémoire, en fit imprimer un second, en réponse au Précis rédigé par Linguet. (B.)