Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
490
CORRESPONDANCE.

fanatisme ou par malice, vous font écrire de longues lettres aux rois que vous n’êtes pas dans l’habitude d’ennuyer quand vous vous y mettez. M. le duc de Grafton sera très-sensible à votre hommage ; mais je doute que, dans ce moment-ci, il le rende public. Sa nation l’a pris en grippe, comme nous avions fait M. Silhouette et M. de Laverdy. À propos de ce dernier, n’a-t-il pas fait défendre, sous peine d’être pendu, d’écrire sur les matières de gouvernement. Si jamais vous faites son apologie, ce que je regarde comme très-possible à beaucoup d’égards, glissez légèrement sur ce trait, qui ne lui fait pas honneur.

Voici enfin le dessin pour les Guèbres. Il me paraît très-bien, et la gravure en sera encore plus jolie. Si vous jugez à propos que Brichet[1] la fasse, je vous prie de me le mander, en me renvoyant sur-le-champ le dessin. Vous l’auriez à la fin de la semaine. On mettrait en bas le vers de la pièce que vous jugeriez à propos. J’ai demandé à l’artiste pourquoi il avait tant tardé à vous satisfaire : il m’a répondu que ventre affamé n’a point d’imagination, que tant qu’il avait été inquiet sur son dîner, il lui était impossible de trouver dans sa tête le tour à donner aux figures. On paye quatre louis ces dessins à Gravelot, et ils ne sont pas mieux. Les gravures finies, de cette grandeur, coûtent à Paris deux louis. Je ne dis ceci, monsieur, que pour tranquilliser votre générosité ; il est convenable que l’artiste soit récompensé ; mais je voudrais bien qu’il ne s’accoutumât pas à mettre ses ouvrages à trop haut prix.

Je vous félicite, monsieur, de votre réunion avec Mme Denis[2]. Vous connaissez l’un et l’autre le tendre attachement que je vous ai voué ; il ne peut que s’accroître, et je souhaite vous en donner des preuves jusqu’au temps où tous les hommes seront sages. Voilà, si je ne me trompe, une hyperbole ; mais elle rend ce dont je veux vous convaincre.

Je joins ici un paquet que M. Pingeron[3] vient de me faire passer pour vous. Il me demande si vous voudriez accepter un exemplaire de ses ouvrages, qui tous roulent sur des choses utiles et sur les arts.

7700. — À M. HENNIN.
30 octobre.

En vous remerciant, monsieur, de toutes vos bontés.

Je vous renvoie l’estampe[4], comme vous l’ordonnez. Je crois

  1. Brichet était un dessinateur et graveur fort médiocre.
  2. Mme Denis, qui avait été s’établir à Paris au commencement de 1768, était revenue depuis peu à Ferney auprès de son oncle, qu’elle ne quitta plus.
  3. Pingeron était fort instruit dans les sciences mathématiques, et surtout dans la mécanique. Il a publié quelques ouvrages qui ont principalement pour but des améliorations dans divers objets d’utilité publique. Il a traduit les œuvres d’Algarotti et le poëme des Abeilles.
  4. Le dessin pour les Guèbres dont il est question dans la lettre précédente.