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année 1769.

Ce n’est point probablement le Saint-Esprit qui a dirigé cette affaire, à moins que ce ne soit un saint-esprit du révérend père Malagrida, ou du révérend père Guignard, ou du révérend père Jacques Clément.

Je n’entre point dans la politique qui a toujours appuyé la cause de Dieu, depuis le grand Constantin, assassin de toute sa famille, jusqu’au meurtre de Charles Ier, qu’on fit assassiner par le bourreau, l’Évangile à la main ; la politique n’est pas mon affaire : je me suis toujours borné à faire mes petits efforts pour rendre les hommes moins sots et plus honnêtes. C’est dans cette idée que, sans consulter les intérêts de quelques souverains (intérêts à moi très-inconnus), je me borne à souhaiter très-passionnément que les barbares Turcs soient chassés incessamment du pays de Xénophon, de Socrate, de Platon, de Sophocle, et d’Euripide. Si l’on voulait, cela serait bientôt fait ; mais on a entrepris autrefois sept croisades de la superstition, et on n’entreprendra jamais une croisade d’honneur : on en laissera tout le fardeau à Catherine.

Au reste, sire, je suis dans mon lit depuis un an ; j’aurais voulu que mon lit fût à Clèves.

J’apprends que Votre Majesté, qui n’est pas faite pour être au lit, se porte mieux que jamais, que vous êtes engraissé, que vous avez des couleurs brillantes. Que le grand Être qui remplit l’univers vous conserve ! Soyez à jamais le protecteur des gens qui pensent, et le fléau des ridicules.

Agréez le profond respect de votre ancien serviteur, qui n’a jamais changé d’idées, quoi qu’on dise.



7703. — À M. MARMONTEL.
1er novembre.

Mon cher ami, mon cher confrère, j’ai été enchanté de votre souvenir et de votre lettre. Vous dites que tous les hommes ne peuvent pas être grands, mais que tous peuvent être bons : savez-vous bien que cette maxime est mot à mot dans Confucius ? Cela vaut bien la comparaison du royaume des cieux avec de la moutarde[1], et de l’argent placé à usure[2].

Je conviens, mon cher ami, que la philosophie s’est beaucoup perfectionnée dans ce siècle ; mais à qui le devons-nous ?

  1. Matthieu, xiii, 31.
  2. Id., xxv, 27.